Un jour je rentrais chez moi avec un ami, tranquille, fin de journée d’été à Paris… En passant dans une rue près de chez moi j’aperçois deux mecs assis dans un bar, et en passant devant je sens l’un deux me regarder et je suis immédiatement envahie par le sentiment autant désagréable que récurrent du type relou qui va venir me faire chier, me demander mon numéro ou me pseudo-draguer et me traiter de pute parce que je refuse (gentiment) de lui donner ce qu’il veut. Je trace. Je m’arrête pas quand le type me fait signe et se lève, m’appelle, sort du bar, et me suit alors que j’ai chopé mon pote et qu’on s’enfuit en marchant vite. Le mec lâche pas l’affaire, il me suit, se met à courir pour me rattraper, j’avance plus vite, je cours presque, tout ça pour éviter qu’il me fasse chier, qu’il me foute la honte devant tout ce monde et devant mon pote, que je me fasse sans doute insulter et emmerder, encore..
“Mel !”
Mon prénom… je me retourne. C’est Valentin, un pote. Que je connais depuis 10 ans au moins, j’étais même un peu amoureuse de lui.. Il est là, debout, essoufflé de m’avoir couru après, et l’air franchement ébahi que je l’aie ignoré de la sorte – j’ai honte, je m’excuse, je lui dis ne pas l’avoir reconnu, qu’il porte une casquette et que je pensais qu’il voulait … “mais pourquoi tu t’es pas arrêtée..?” Que dire ? Parce que t’es un mec et que je me fais tellement souvent emmerder que je calcule même plus les gens quand je vois ne serait-ce qu’un potentiel danger ? Que j’ai trop honte mais que c’est tellement courant dans la vie d’une nana à Paris qu’on est devenues des robots de “rejet de toute tentative d’abordage dans la rue” ?
Je lui dis pas ça. J’encaisse, je passe pour une conne, une princesse qui se trouve tellement belle et parfaite qu’elle suppose que tout mec susceptible de l’alpaguer dans la rue le fait pour la draguer minablement. Je m’excuse et on se dit au revoir.
Je repars et me dis putain, que c’est triste d’être devenue comme ça. Je me hais un peu. Je me promets de ne plus le faire et de garder l’esprit ouvert, de ne pas être la nana qui snobe son pote.
Et puis la fois d’après je m’arrête, un soir, dans la même rue, et là un type m’emmerde.
Mel
Illustration par Emilie Pinsan