Comme bien d ‘autres avant moi, je vais vous raconter mon histoire.

C’est une histoire aujourd’hui pour le moins banale, parce que d’une part devenue bien trop courante, et d’autre part, parce que depuis des années et des années je peux en parler sans souffrir.

J’avais sept ans quand pour la première fois, un homme a touché mon corps. Un corps frêle, sans aucune forme, mais absolument pas repoussant pour certains prédateurs pervers et avides de chair toute fraiche, soit de la chair tendre d’une enfant. Ma mère avait un couple d’amis, constitué d’un homme, appelons le J et de sa femme que nous appellerons C. Tous deux étaient mariés depuis une bonne vingtaine d’années, trois garçons et deux filles à charge. Une bonne famille de pépères comme on les aime, un brin neuneu même. Enfin bref, ils étaient les amis chéris de ma mère. C’est donc sans aucune surprise que cette dernière nous (mon petit frère et moi) a gentiment confié à eux afin que nous ne soyons pas dans ses pattes le jour J, soit le jour de notre déménagement.

Le soir arrive, et l’amertume ne tardera pas à pointer le bout de son nez avec. Je me souviens parfaitement de chaque instant et revois encore C. monter à l’étage pour se coucher, me laissant là avec son cher et tendre, J. Je suis petite, je suis naïve, j’aime cet homme comme s’il était de ma famille, de mon sang. Je l’ai pour ainsi dire toujours connu, je n’éprouve aucune crainte à poser ma tête sur ses genoux et à le laisser me faire des grattes-grattes dans les cheveux.

Il est sans doute tard puisque le premier film se termine, et que le deuxième commence. Le titre ? Les Dieux nous sont tombés sur la tête. Je rappelle que j’avais sept ans, je vais en avoir trente-deux d’ici quelques jours. Bref, il me fait toujours des papouilles, mais oublié le cuir chevelu, il commence tout doucement, mais très surement à descendre un peu plus bas, dans mon dos. J’ai du mal à comprendre ce qu’il fait, mais soit, je suis une enfant et une enfant n’a pas le droit de penser, de parler ou de s’insurger devant un adulte alors, je le laisse faire. Au fur et à mesure que le film avance, ses mains épaisses et calleuses en font de mêmes, elles avancent de plus en plus jusqu’à se retrouver en bas de mon dos, soit à la raie de mes fesses. Moi, je ne dis toujours rien, je ne comprends juste pas…

Quelques instants encore, et je retrouve son doigt ENTRE me fesses. Gentiment, je me retourne et lui offre finalement et sans le vouloir, mon intimité. Mais c’était pour moi la seule façon de lui faire comprendre que je n’aimais pas ce qu’il me faisait tout en ne faisant pas de scandale POUR RIEN. Et la stupeur, il recommence le même cinéma, mais devant cette fois-ci. Il descend de plus en plus malgré ma gêne, car il voit bien que je ne suis pas à l’aise, je me tortille dans tous les sens. De nouveau et sans dire un mot, je me retourne croyant naïvement qu’il va comprendre cette fois-ci et qu’il va arrêter, mais que nenni… Et la même chose se reproduit plusieurs fois (une bonne dizaine) avant qu’enfin j’ose ouvrir ma bouche et crier… ‘’Maman au secours !! Maman au secours’’ !! Mais à quoi bon appeler une maman qui n’est pas là et qui m’a laissée à la garde d’un pervers ? C. Descend en courant les escaliers tandis que J. ne bouge plus et se contente de crier ‘’Mais qu’est-ce qu’il y a ? Qu’est-ce que j’ai fait’’ ? Elle, ‘’Qu’est-ce que tu as fait ENCORE’’ !!!

Je suis petite, stupide et naïve mais je comprends tout de suite que cette phrase-là définira le reste de ma vie. ‘’Qu’est-ce que tu as fait ENCORE’’…Oui, qu’avait-il bien pu faire ? Oh rien de très grave, il avait juste tripoté l’une de ses filles qui aujourd’hui encore à plus de quarante ans ne s’en remet pas. Sa femme était au courant, ma mère aussi…. Elle est excusable, elle est endoctrinée dans une religion qui lui bouffe la vie et lui fait partie de la même… Il faut bien qu’ils se protègent entre eux non ?

Ma mère m’a toujours dit que je ne lui ai raconté cette histoire qu’à l’aube de mes vingt ans mais c’est faux, elle l’a toujours su et a tout fait pour que je me taise. Elle ne m’a proposé d’aller porter plainte qu’à vingt ans, soit lorsque les délais de prescription était bel et bien passés. Il est donc évidement que cet homme n’a jamais été puni et honte à moi, et qu’il a pu au grès de ses humeurs toucher d’autres enfants. Il m’a écrit une lettre il y a quelques années, sous la demande de ma mère sans doute, dans laquelle il me disait que c’était de ma faute et que j’extrapolais. Comment extrapoler sur une chose pareille ? Aurais-je pu inventer le contacte de ses doigts rugueux sur mes fesses, dans mes fesses, sur mes parties intimes et à l’intérieur de celles-ci ? Quel plaisir aurais-je eu à le faire ?

Aujourd’hui, je vais bien. Je n’y pense pour ainsi dire jamais, j’ai en quelque sorte mis un mouchoir sur cette fameuse soirée. Mais il est très clair que je pense aux éventuels enfants à qui il aurait pu faire du mal. J’étais petite et influençable mais je ne le suis plus désormais et ce genre de pervers ne me fait plus peur. La maternité me rend forte et je sais que l’homme qui osera poser la main sur mon fils retrouvera ses soixante grammes de couilles dans mon assiette.

Ingrid