J’essaie de me souvenir de mon état d’esprit lorsque j’ai écrit ce premier texte pour Polyvalence… cela me semble tellement lointain.
J’étais encore une novice dans le domaine du féminisme. Je me cherchais, je m’énervais beaucoup, je m’engueulais avec les gens. Je faisais chier les mecs en soirée lorsque j’avais un peu bu en les poussant obstinément dans une discussion à conflit, en leur parlant de viol, de harcèlement de rue… Bref, j’étais révoltée et j’ai eu besoin de m’éloigner de ces dizaines et dizaines de textes que j’aidais à corriger et de tous ces récits plus ou moins durs à supporter. Pour revoir le beau, pour apaiser la violence de cette prise de conscience.
Je suis plus calme à présent. Le temps fait son travail, on devient plus sage apparemment. Je suis toujours révoltée, mais je communique au lieu d’agresser.
Le temps fait aussi évoluer les mentalités, les choses avancent petit à petit, peut-être pas aussi vite qu’on le souhaiterait, mais on apprend à accepter que chaque petit pas est une victoire sur le passé et un nouveau combat pour l’avenir. C’est un peu comme si toutes les femmes du monde était une seule et unique entité et qu’à chaque victoire, cette entité rayait une ligne sur sa liste de choses à faire. J’aime bien les listes, elles permettent de se rendre compte qu’on avance. Même si à chaque ligne rayée des dizaines s’ajoutent… Mais on ne balaye pas d’un revers de main des siècles et des siècles d’oppression.
Parfois, je me dis que c’est de notre faute à nous, les femmes, que nos prédécesseuses n’ont pas été assez vigilantes. Que si les femmes s’étaient unies dès le départ et battues ensemble, le monde serait bien plus vivable pour toutes et tous. Les gamins un peu efféminés ne se feraient pas tabasser à la sortie de l’école et les femmes à trop grande gueule ne subiraient pas de viols correctifs dans des parkings à la sortie des boîtes de nuit. Les hommes sauraient à quel point ça fait du bien de pleurer et les femmes n’auraient pas peur que l’on voit leurs poils sous les bras.
Il y a tellement d’espoirs qui émergent. L’affaire Weinstein, bien sûr, qui a été un joli coup de pied dans la fourmilière, mais aussi avec tous ces mouvements, associations, blogs… Toutes ces voies qui se tracent avec des cris et des écrits. Parfois, cela me fait peur. Je me dis que tout peut retomber comme un soufflé. Que toutes ces femmes pensent que parce que le mouvement est lancé, il n’a plus forcément besoin d’elles vu que d’autres continuent à battre le pavé. Et puis je me dis que tout cela n’est peut-être qu’une utopie. Parce qu’il y a tellement de combats à mener. Tous en même temps. Est-ce qu’on ne va pas se noyer sous la charge de travail qu’il reste à faire ?
Mais les choses semblent bouger, les nouvelles générations ont l’air plus conscientes, mieux préparées finalement. C’est étrange, elles sont si jeunes et déjà tellement engagées. Peut-être sont-elles mieux informées, tout simplement.
Alors l’espoir revient et je me prends à rêver…
Maud M.
13 janvier 2018
Il y a cinq ans : « Alors je n’écoute plus les conseils. Ces conseils ne servent qu’à m’enfermer encore plus dans la peur, et surtout, ils m’empêchent d’être moi-même. Je ne veux plus être fantôme. » http://assopolyvalence.org/fantomes/
Illustration par Ookah