La violence faite aux femmes est physique ou morale.

Personnellement je n’ai (heureusement) pas connu la violence physique, à part peut-être une gifle un jour. Mais je connais la violence morale. Cette violence qui t’oppresse au quotidien, te rend vulnérable, et puis finalement te fait dire que tu mérites cette condition. D’abord ça commence par de simples phrases un peu froides, puis de réelles accusations. L’homme devient jaloux, exclusif, il dénigre tes ami-e-s : bien entendu, ce sont tous des cons et toutes des pétasses. Puis ta façon de t’habiller: soit habillée trop court, soit trop voyant ; puis le maquillage, trop marqué, alors que tu vas juste au travail. Tout devient un combat, pour un peu de liberté, pour se sentir femme. Bien sûr quand il s’agit de sortir, tu as le droit d’être bien car le plus important est de montrer à ses ami-e-s combien toi, tu es jolie et droite. Tu deviens de plus en plus sa chose au final. Tu fais presque tout chez toi, et ça ne suffit jamais, tu es juste imparfaite, et il te le fait savoir au quotidien. Alors tu luttes un peu, et puis parfois tu abandonnes. Tu espères que ça changera, il te le fait croire, et finalement ça ne change vraiment jamais. Parfois je me dis que j’aurais dû fuir quand il était encore temps ; maintenant parfois je me dis qu’il est trop tard. Il faut du courage, de la force, et parfois on ne l’a pas. Je ne sais pas quel est ce sentiment qui le force à être ainsi. Ce besoin de dominer, de me rabaisser au quotidien, puis d’être gentil. Alors parfois je m’imagine partir, prendre un avion pour aller si loin. Sans rien dire à personne. Juste partir ; mais la peur, toujours la peur. Aux yeux des autres je dois en rajouter, il a juste un fort caractère me dit-on… Mais peu à peu je me rends compte que je n’en rajoute pas, car je suis en colère tous les jours, du matin au soir et ce n’est pas normal. Ma liberté est précieuse, j’aurais dû mieux la protéger, j’espère la retrouver intégralement bientôt. Car je ne veux plus qu’on me dise que je pleurniche trop, que je ne suis pas assez bonne cuisinière, que je râle trop, que ma famille ou mes ami-e-s sont comme-ci ou comme ça. Je veux pouvoir décider et ne jamais avoir peur à la fin de la journée que la soirée tourne au vinaigre. Je ne veux plus jamais avoir à hurler si fort, ni avoir envie de taper quelqu’un. Il me rend violente. Il me rend différente. Il me rend agressive.

Il faut avoir aimer pour pouvoir haïr. Je crois que cette violence sournoise et morale que je supporte, me le fait haïr chaque jour. Mais parfois je l’aime… si fort, j’aime mon bourreau. Là est mon plus gros problème. Cette violence est trop forte.

B. – 23ans – malheureusement trop souvent malmenée par l’homme qu’elle aime.

Illu POSSESSION Illustration par Magali