Nous nous sommes rencontrées plus longuement que nous nous connaissions jusqu’alors, au détour d’une banale question de curiosité qui t’as été posée de ma part en privé sur un célèbre réseau social, suivi d’une réponse, puis de beaucoup d’autres choses qui ont été dites de part et d’autre, avec frénésie.
Nous transportions chacune avec nous les vases de nos existences bien remplies, d’un passé relationnel affectif plus ou moins douloureux, d’histoires familiales où on a longtemps peiné chacune à trouver nos places, de l’amour qu’on porte à nos enfants respectifs, et de cet amour qu’ils nous portent réciproquement aussi ; d’ailleurs le fait d’être parent alourdit vachement le vase d’une existence je trouve; ils étaient aussi rempli d’un reflet assez dur qu’on se renvoie de nous-mêmes, d’un désir de reconstruction des fissures qu’ils portent, et tellement d’autres choses encore. De vases qu’on porte lourdement parfois, très beaux malgré leur fragilités qu’on apprend avec le temps à déceler et à soigner – mais qu’on a envie de remplir, aussi.
Nous nous sommes rencontrées rêveuses.
Nous nous sommes rencontrées à la séparation des chemins conjugaux pour chacune d’entre nous, pleines d’espoirs pour nos vies futures, pleines d’espoirs de vivre des relations affectives qui nous correspondraient enfin. Nous nous sommes rencontrées sur un humour très taquin et jovial au départ, puis très coquin et intime par la suite, et une espérance l’une envers l’autre qui a décollé assez rapidement de manière vertigineuse de part et d’autre. Nous nous sommes rencontrées avec bien quelques doutes, surtout de mon côté, mais l’attente était plus forte je crois.
Des heures à échanger à l’écrit.
Une première rencontre merveilleuse.
Un premier contact physique frissonnant.
Un premier baiser puis d’autres, que je n’oublierai jamais.
Ce dimanche à Pech David, dis, tu te souviendras toi aussi ?
Une deuxième rencontre tout aussi belle que la première, bien qu’entachée un peu par ma faute. Oui, je sais, tu diras que si c’était pas à cause de ça, ça aurait été autre chose plus tard, je le sais, je le sais, je te crois, mais ne m’en veux pas de raisonner ainsi, s’il-te-plaît, je ne veux pas que tu portes seule ta culpabilité en plus du reste. Puis aussi vite que l’espérance est née et s’est envolée jusqu’à ne plus l’apercevoir vraiment nous-mêmes, elle s’est assez soudainement arrêtée en plein vol, pour tenter, par nos efforts coordonnés plus ou moins facilement je dois l’avouer, un atterrissage sans trop de douleur et de regrets. On a essayé de pas balancer trop d’éclats à la rencontre douloureuse entre nos espoirs et nos réalités, et ça marche plutôt bien. Oui, plutôt bien, bon, parfois plutôt moins bien, et on tâtonne maintenant. La décroisée des chemins quoi. Et je suis assez confiante pour la suite. Ce fut quand même une belle étoile filante entre nous, je sais pas, t’en penses quoi, toi ? Regarde là-bas, la belle trainée qu’elle laisse, tu la vois, toi ?
Bon, moi je la vois en tout cas.
Et les vases que nous portions, ouais, ils furent bien trop fragiles en fait, aussi, et emportées par l’élan de nos espérances, ils nous paraissaient plus légers qu’à l’accoutumée, ouais, c’est ça, entre autres choses.
Je me suis promis à l’avenir de ne plus jamais renoncer et de me battre quand je peux le faire, mais avant de remettre ça un jour, qui sait, et de composer avec un autre vase que le mien, je l’espère, j’ai ce vase personnel à réparer. Et toi, tu te dois de faire ce que tu as à faire de ton côté car il pèse aussi lourd pour tes frêles épaules, le tien, ne l’oublie pas. Peut être qu’on s’y aidera mutuellement, ou peut être pas, on verra bien.
Hey, puisque j’y pense, que je te le dise pour conclure ce texte. Mon premier choix, ce fut toi. La personne avec qui je vis actuellement, ce n’était pas vraiment un choix, pour moi. Tu fus mon premier choix, c’est ainsi que je l’ai décidé, tu ne m’en voudras pas j’espère.
Un premier choix que je n’oublierai jamais.
M.
Illustration par Thi Gomez