Aujourd’hui, j’ai envie de parler de ma condition de femme mais aussi d’humain, de mon/mes métiers, de pourquoi et de comment je les exerce, de ce qui me permet de m’émanciper d’un certain nombre de contraintes liées à mon sexe ou à mon statut socio-économique, de mes aspirations en tant que personne qui ne sait pas se satisfaire de l’ordre établi.
Aujourd’hui et depuis quelques années, je suis travailleuse du sexe.
J’utilise ma nudité, ma sexualité, pour produire des images fixes ou animées, en live ou en différé, et cette activité me rapporte de l’argent.
Je reçois également des personnes qui souhaitent être attachées, soumises, qui souhaitent réaliser certains fantasmes pas très ordinaires, et cette activité me rapporte aussi de l’argent.
Je mets en place des ateliers pour parler et/ou pratiquer/expérimenter/explorer autours des corps et des sexualités diverses et variées, et cette activité me rapporte de l’argent.
Je fais aussi des tas d’autres choses qui ne me rapporte pas d’argent et il m’arrive même de faire les choses citées ci-avant bénévolement. Mais c’est précisément parce que ma source de revenus est assurée par des activités qui :
1- me plaisent
2- sont variées et donc jamais rébarbatives
3- n’occupent pas tout mon temps de veille
Que je peux me permettre de travailler bénévolement.
On m’assimile souvent à une artiste, je passe mon temps à répéter que je n’en suis pas une. Non, je me pense plutôt comme une militante qui considère sa vie comme un terrain d’expérimentation.
Je suis contre le travail salarié, contre « l’emploi ». Je refuse de faire un travail toujours identique donc nécessairement ennuyeux à terme, à des horaires imposés, pour un revenu misérable que je vais épuiser en un loyer, des courses en supermarché parce que je suis pauvre et que je n’ai pas le temps, et peut être un ciné qui a intérêt à être bien choisi.
En tant que femme, dans un monde où mon corps est encore objectifié partout et affiché en quatre par trois pour vendre des étagères en formica, j’ai eu cette occasion de monnayer mon image, le pouvoir érotique de cette image.
On pourrait aisément dire que je suis bien dans les clous et que je ne révolutionne pas grand chose. Et on n’aurait pas tout à fait tort.
Bien sûr que je suis jeune, mince, blanche, que mon physique dans son ensemble reste assez consensuel. Bien sûr que je joue le jeu d’un système dans lequel les hommes désirent et les femmes sont désirables.
Mais
1- à ma toute petite échelle, j’essaie de déstabiliser quelques critères de beauté contemporains.
Je ne m’épile pas, ni les aisselles, ni la chatte, ni les jambes.
Je me maquille très rarement.
Je profite de ma relative notoriété pour rendre visible d’autres modèles moins consensuelles.
2- je suis suivie par de nombreuses femmes ainsi que des personnes de tous les genres (queer, trans, non binaire, etc.) et je m’efforce de produire des images de moi ou de ma sexualité qui soient puissantes et actives, qui me fassent toujours plus sujet qu’objet, quelque soient les mises en scènes (je fais référence aux images sur lesquelles je suis plutôt dans une position de soumise par exemple, ce qui n’empêche pas selon moi de se présenter comme actrice de ce que l’on vit et ressent).
3- JE SUIS LIBRE DE TRAVAILLER AVEC QUI JE VEUX ET QUAND JE VEUX !
Et si ça, ça n’est pas emancipateur dans ce bas monde…, alors peut-être que ça ne concerne que moi, mais je crois à l’exemplarité en politique donc j’espère inspirer d’autres personnes et je pense participer d’un mouvement plus collectif.
Aussi, en tant que femme, avoir le choix, décider pour soi-même, ce n’st pas quelque chose de si évident (socio-culturellement parlant, j’entends) et ça procure un putain de sentiment d’empowerment qui fait du bien par où il passe !
Ma pratique du travail du sexe est donc, pour moi, source de liberté et d’émancipation.
C’est un outil politique et économique qui me permet de construire ma vie comme je l’entends, c’est un moyen et pas une fin.
J’espère que mon discours vous aura donné quelques clefs de compréhension de ce qu’il peut y avoir d’éminement féministe dans le fait de montrer son cul pour de l’argent.
Misungui Bordelle
8 mars 2018
www.misunguisurvivor.wixsite.

Photographie en noir et blanc d’une jeune femme nue, blanche et brune, un genou au sol et l’autre dressé sur la pointe des pieds cachant presque son corps, recouvert de cire ainsi que son bras et son épaule. Son bras droit passe derrière sa tête et s’accroche à ses cheveux, elle regarde l’appareil droit dans l’objectif.
Illustration par Mina Maure