Mon accouchement, je n’ai pas souhaité le rêver, de peur d’être déçue. Mais avec ma compagne nous avions tout mis en place pour qu’il corresponde à notre vision des choses : le moins médicalisé possible. Nous avions donc une sage femme haptonome qui était elle aussi dans cette optique. Je devais accoucher sur les genoux de ma compagne. Quant à la péri, je préférais faire sans, mais me réservai le droit de craquer.

9h : deux jours avant la date officielle prévue : la douleur me réveille… je vais aux toilettes et ça coule, ça coule… c’est gluant, je pensais que c’était comme de l’eau moi, mais non ! Je me dis bon tu vas accoucher aujourd’hui alors hop méga petit déjeuner.

Ma compagne dort, je la réveille tranquillement. Elle saute du lit ! Je prends une douche.

Je suis excitée, heureuse mais pas angoissée. Je voulais absolument perdre les eaux pour vivre ça donc je suis ravie. En fait, c’est une fissure de la poche des eaux, donc dès que mon bébé appuie avec sa tête hop c’est les chutes du Niagara, ça nous fait marrer !

Au fil des heures la douleur s’intensifie.

Je ne sens pas de contractions, moi qui en ai eu durant toute ma grossesse, là je n’en sens aucune mais je sens que la tête de mon bébé me déchire littéralement de l’intérieur, que ça pousse, que ça s’écarte, qu’il fait son chemin en somme.

16h : je suis dilatée à 5 : direction la clinique.

Arrivée dans la chambre avec le stress, la fatigue je me tords, ça y est je n’arrive plus à vivre la douleur en moi. Cette douleur croyez-moi ou non, jusque-là je l’ai adorée.

Elle n’était qu’à moi, je la vivais au-dedans de moi, en silence, mais là Je tape des poings contre le mur : « putainnnnn fais chierrrrrrrrrrr » je crois que j’ai atteins ma limite. Tant pis, je demande la péri… je le vis comme un échec, mais je n’en peux plus.

20h : il est temps de pousser… Malgré tout mes efforts il ne se passe rien, le bébé est coincé. Je ne peux pas me mettre sur les genoux de ma compagne comme prévu.

Ma sage femme me dit : «  écoute là il faut prendre une décision donc soit j’appelle un gynéco et il fait une épisiotomie et les forceps ou la ventouse soit on fait autrement et j’appelle une amie qui est sage femme, en Afrique.»

On est d’accord : « Non, pas d’épisio pas de forceps pas de médecin, ok pour l’amie. »

Elle arrive, appuie un peu sur mon ventre pendant une contraction… mais rien ne se passe.

Elle se met à coté de moi et attrape un bout du drap de l’autre coté, elle l’enroule pour avoir une bonne prise et là elle appuie sur mon ventre avec son coude et son avant bras.

J’y arrive pas… je jette mes lunettes a travers la pièce.

Je supplie « attendez attendez, que je respire » en pleurant… elle appuie de toutes ses forces j’ai à peine le temps de reprendre mes esprits, je me sens partir. Je vomis.

Ma compagne est aussi éprouvée que moi elle s’en prend plein les yeux, les oreilles et le cœur… Je pousse, je pousse encore et encore et là je vis ce fameux moment de renonciation.

Je laisse tomber  : «  j’y arriverai pas, j’y arriverai jamais, j’abandonne ».

Ma compagne est là heureusement elle m’aide à reprendre courage.

Je pousse depuis trente minutes, je me fais écraser le ventre par un bulldozer… je n’en peux plus.

Le cœur du bébé chute encore.

L’ « amie sage femme » monte carrément, sur le lit. Elle est à moitié allongée sur moi pour pousser encore plus fort avec ses bras sur mon ventre.

Ma sage femme crie : «  Allez maintenant tu pousses, y’a que toi qui peux faire naitre ton bébé, allez vas-y !! »

Je pousse si fort que je sens tous les vaisseaux de mon visage, comme s’ils allaient exploser…je me sens violette… mes joues vont éclater c’est sûr.

Et puis le voilà, enfin.

Il est 20H45.

On le pose sur moi. Il est tout mou, il est violet il ne bouge pas, n’émet aucun bruit.

Je ne comprends pas je dis : «  Qu’est ce qu’il a ? Il dort ? »

Il est emmené pour être oxygéné. Moi je suis ailleurs.

Et puis le revoilà,

Il n’est plus bleu. C’est un petit lutin, tout plié de partout !

On est tous les trois comme après un séisme… épuisés, émus, hébétés…et on rit. On n’arrête plus de rire de tout ça pendant les deux heures qui suivent.

On a envie de se dire que c’était jute génial et on y croit.

C’était il y a presque 8 ans et il y a peu de temps seulement j’ai réalisé à quel point ça avait été violent et pas sans conséquence pour tout un tas de choses vécues par la suite.

Pourtant notre sage femme a été formidable et elle a fait ce qu’il fallait pour respecter mes souhaits.

Mais clairement la vie n’est pas un conte de fées.

J.