Je suis maigre. Je le sais, je le vois dans mon miroir. Je le répète à qui veut l’entendre que je fais seulement 53 kg.

Pourtant, ce que je vois aussi dans ce miroir, c’est des cuisses trop grosses. C’est mon petit ventre qui ne veut pas partir, peu importe mes privations. Ce que je vois, c’est un corps que je déteste. Parce qu’il m’encombre, parce qu’il me fait souffrir, parce que je m’oblige à me faire du mal .
Un TCA, c’est une voix dans ta tête qui te répète sans cesse des petites phrases assassines, qui a une force de persuasion énorme et qui te tue à petit feu. Elle te répète que tout ce que tu manges va finir par être stocké quelque part, elle te répète que “eh, elle, elle est bien plus mince que toi”, qui t’insulte quand tu manges. Au fond de toi, tu sais très bien que tu pourrais reprendre le contrôle, qu’il suffirait de la faire taire. Sauf que tu es impuissant face à elle, et que tu es condamné à vivre avec jusqu’à ce que tu guérisses.

Un TCA, c’est t’éloigner de tes ami-e-s parce tu as a peur qu’illes découvrent la vérité et que tu les fasses souffrir. C’est ignorer les personnes qui t’aiment le plus parce que tu sais qu’elles perceront ton secret à jour. Elles t’aiment alors elles sont dangereuses, elles représentent la seule source d’estime que tu pourrais avoir, alors tu t’éloignes. Tu ne réponds plus aux textos, tu ne fais plus d’efforts.
Ce personnes savent que quelque chose ne va pas. Que tu manges peu, ou pas, ou trop. Alors tu dois t’éloigner, parce que sinon elles sauront.

Un TCA, c’est aussi des journées où on se dit que ça va mieux, qu’aujourd’hui on mange ce qu’on veut, qu’on contrôle plus, qu’on se fait plaisir. C’est le jour de l’an, des anniversaires, des sorties au resto. Le lendemain, on se rend compte de ce qu’on a fait et on se promet de plus jamais recommencer. C’est vrai, que tu sois heureux, elle aime pas trop ça, ta maladie.

Un TCA, c’est en effet une maladie, qui peut toucher hommes et femmes. Ces maladies sont uniques à chacun-e. Par exemple, je contrôle absolument tout ce que je mange et me prive beaucoup. Pas au point d’en être maigre à faire peur. Pas au point de perdre mes cheveux. Je contrôle mon poids, me pèse tous les jours et adapte en fonction. D’autres mangent jusqu’à être malade, d’autres mangent très peu et se font vomir tout de suite après, d’autres enfin souffrent tout aussi grandement en ayant une corpulence “normale”. Rien ne décrira jamais celui ou celle atteint-e.

Un jour, je m’en sortirai. Un jour, je ferai fermer sa gueule à ma maladie.
Un jour.

 

Antoine

 

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Illustration par C.H.

 

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