Non, rien à voir avec le végétarisme, cette secte marginale et dérangée : moi, je ne mange pas d’animaux, c’est tout.

D’abord le mot me déçoit : « végétarien », avec son suffixe si caractéristique de l’utilitarisme anglais (libertarien, unitarien). Dans les dîners londoniens de la bonne société fin-de-siècle, pendant que les hommes discutaient des affaires qu’ils faisaient sur le dos des ouvriers et des mineurs, les femmes inventaient la Vegetarian Society, et le mot même de « végétarien », pour la protection des animaux que, selon elles, des gens sales et pauvres exploitaient et maltraitaient, par alcoolisme sans doute (c’est en tout cas ce que représentent les premières affiches de la SPA).

Ne me convient pas non plus le savant adjectif « pythagoricien », qui a pourtant décrit pendant vingt-cinq siècles cette attitude, précisément, de ne pas manger d’animaux, de ne pas « remplir les viscères de viscères », comme le dit Pythagore selon Ovide. Le terme garde les connotations métaphysiques, mystiques : un profond respect pour l’âme qui transmue d’être en être, d’animal en humain et inversement. Moi, ce que je ne mange pas, c’est la bête dans sa bêtise même, dans sa maladresse, sa frivolité, rien de plus que ce que j’en vois.

Je ne mange pas la vache qui attend que la journée passe, ni le poulet qui couve un œuf en plastique, ni le lapin étonné du bruit de ses pas, sans leur demander rien de plus.

Les végétariens sont toujours prompts à souligner l’intelligence animale et les prodiges obtenus d’eux en laboratoire (conscience, techniques, langage, morale). Mais lorsque j’observe les animaux que j’aime ou qui ont compté pour moi par le passé (tel chat, tel chien, tel cheval), je les trouve pris dans une stupeur interminable, parfois traversée d’éclairs de compréhension, toujours emportée dans le courant fou de l’instant présent. Les aimant comme je les aime, j’ai voulu, à l’âge de m’envoler du nid familial, accepter cette logique interne à moi-même : depuis (cela fait sept ans), je ne mange pas d’animaux, c’est tout.

                                                                                                                   Elie

Dessin au feutre noir : Un petit lapin cartoonesque croque, tout heureux, dans une carotte qu'il tient à deux pattes. Au dessus, on peut lire, en arc de cercle : "Respect animals". Et en dessous, sur un arc de cercle complémentaire au premier, on lit, en majuscules : "GO VEGAN".

Dessin au feutre noir : Un petit lapin cartoonesque croque, tout heureux, dans une carotte qu’il tient à deux pattes. Au dessus, on peut lire, en arc de cercle : “Respect animals”. Et en dessous, sur un arc de cercle complémentaire au premier, on lit, en majuscules : “GO VEGAN”.

Illustration par Garance.