J’ai 23 ans quand nous emménageons ensemble. Pourtant depuis six mois déjà la violence est mon quotidien… Mais je ne suis déjà plus moi.
Il hurle : « Moi jveux une vraie meuf, une pute, une meuf qui suce ».
Un jour, il me bombarde avec un pistolet à billes. Un autre il jette mes affaires sur le palier et me fout dehors. Une fois de plus. Et comme à chaque fois, il m’appelle deux minutes après sur mon portable et hurle « si tu pars tu sais ce qui t’attend ».
Il répète : « J’en ai marre de ne baiser que quand tu es à moitié endormie » ou bien :« Dte façon t’es qu’une salope, regarde-toi. Si tu sors jte préviens, tu reviens pas et puis je sais que tu vas aller te faire baiser par tous les mecs que tu rencontres ».
Et bien sur : « Si je me mets dans cet état c’est de ta faute, tu me pousses à bout ».
Il adore dire, en se marrant, devant ses potes : « Elle se prend pour une femme battue ! C’est pas un bleu sur l’épaule qui fait de toi une femme battue !! J’ai été obligé de te gifler, t’étais hystérique… pis tu dis d’la merde je me souviens pas de t’avoir mis des coups de pieds ».
Il casse les vitres, les objets. Les voisins doivent tout entendre, mais personne ne bouge.
Quand je suis malade je n’ai pas le droit de rester à la maison, ça l’indispose, je dois sortir (avec une gastro c’est toujours le top !).
Son père et sa sœur disent « Oh c’est son caractère il a toujours été comme ça !! hihihi !!».
Pour ses potes, c’est un ptit mec inoffensif, plutôt pas balaise, l’air juvénil et efféminé…bref, tout sauf l’image du macho viril véhiculée par la société. Du coup personne ne se doute de rien…(comme si ça se voyait sur le visage…).
Je rêve de femmes sur mon corps, pas de lui.
Mais en vérité je n’ai pas le temps de rêver, je survis. Chaque jour je dois faire en sorte que « ça » n’arrive pas. Qu’il me laisse tranquille, qu’il soit content de son repas, qu’il ne me jette pas dehors, qu’il ne casse rien, qu’il ne hurle pas. Il parvient à me faire culpabiliser pour tout, je me sens fautive en permanence.
Des fois, il me crache au visage. C’est horrible, c’est gluant, c’est gerbant. C’est l’humiliation ultime. Ça veut dire tant. Après, j’ai des cadeaux. C’est la phase « lune de miel , un jour ou deux, pas plus. Enfin c’est une lune de miel pendant laquelle tu trembles de peur que ça dérape… pas hyper romantique.
Je n’ai plus d’amis, je ne vois plus ma famille.
Ma mère me demande s’il me fait du mal je hurle « Moi ? Mais t’es folle ça va pas avec le caractère que j’ai !! Je suis féministe. Tu me prends pour qui ?? ».
La honte nous fait faire de telles choses.
Je sais que les gens ne comprennent pas pourquoi je ne suis pas partie. Mais il était entré dans mon cerveau. Je ne pensais qu’à survivre, pas à fuir. J’étais aliénée. Rien à voir avec l’amour tout ça.
Et puis je rencontre une fille, elle me fait vibrer, j’assume enfin, je l’aime, je la désire, elle me donne des ailes.
Il casse la porte de la salle de bain et m’y séquestre durant cinq heures.
Il me fait croire qu’il se suicide. J’appelle les pompiers. J’appelle mes parents.
Je pars avec les pompiers. Il court derrière le camion. Il me téléphone mille fois, je hurle aux pompiers de me laisser descendre ils me disent que je suis en état de choc que je dois rester qu’il va continuer, je m’en fous, je descends.
Et puis je marche en pleurant avec mon sac pleins de fringues ramassées à la va vite.
Et finalement je prends un taxi pour aller chez mes parents.
Je prends un studio. Non loin de lui. Incapable de ne pas le considérer comme « mon frère », comme je le dis à l’époque. Honteuse de l’abandonner. Je suis enchainée. Comme dans une secte. Il me harcèle. Il est derrière la porte de mon nouvel appart.
J’ai peur. J’ai honte. Mais peu à peu je m’éloigne et me retrouve.
J’emménage avec une femme. Et je revis. Mais vite, je sombre. Dépression post-traumatique. Je ne peux plus sortir de chez moi, je deviens folle, je ne peux même plus aller chercher le courrier.
Trois ans de thérapie, je sors un peu la tête de l’eau, mais rien ne sera plus jamais pareil.
Un jour mon psy me dit « Vous avez été victime de viols conjugaux » mais aussi « Le sexe avec un homme ne vous intéressait pas , soit, mais vous ne vous rendiez pas compte que vous le frustriez et le rendiez fou ? ». Il y a des phrases qui n’aident pas.
Ça fait 13 ans. Ça a duré deux ans et demi. Je fais toujours des cauchemars. Je culpabilise toujours pour un rien. J’ai développé une peur de l’abandon qui abîme mes relations amoureuses ou même parfois amicales.
Mais je travaille dessus et je peux le dire maintenant : je suis heureuse.
Car je suis libre. Ma sexualité est désormais indemne de tout ça car j’ai taffé dessus des années. J’ai fait péter toutes les chaines.
Je suis épanouie.
Il faut juste apprendre à vivre avec tout ça au creux de soi.
X.

Illustration par Jess Ifer
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Puissant. Merci pour ton témoignage, mille bravos pour ta résilience ! Longue vie à toi.
Ce que tu as vécu est vraiment abominable et je suis horrifiée de la réaction de ton psy. Il y a vraiment quelque chose de profondément malade dans notre société à ce niveau. Heureuse que tu aies pu aller mieux en tout cas. En espérant que ça continuera à s’améliorer.