Ado, 16 ans. Je sors de réunion et je vais à mon entraînement de boxe française. Je suis un jeune militant gauchiste, il y a 3 ans j’étais dans la rue, sur les barricades. La veille encore, combats de rue contre le meeting d’Ordre nouveau. Comme beaucoup de ma génération, l’usage de la violence pour se défendre, pour combattre, ne nous est pas inconnu. Elle est légitime… Toujours et immédiatement riposter est un peu notre credo.
Métro bondé, je me case au fond, le dos contre la porte donnant sur la voie.
Imperceptible au départ, inconcevable, incompréhensible, il me faut quelques instants pour prendre conscience de ce qui m’arrive, de ce que l’on me fait, de ce qu’IL me fait. Une main s’est insérée entre mes cuisses, me caresse l’entrejambe, des doigts ouvrent ma braguette, s’insinuent, se glissent sous mon slip et me saisissent presque tranquillement mais avec fermeté, en toute impunité.
Et je suis là comme figé, encore sous le coup de ce qui m’arrive, essayant de comprendre la situation, de comprendre l’incroyable, l’incompréhensible, l’inconcevable, l’inacceptable. Cette intrusion m’est insupportable, douloureuse, humiliante ; et moi, le militant actif, celui qui rend coup pour coup aux fachos, qui n’est jamais le dernier à se jeter dans la mêlée contre nos ennemis, moi, je suis comme vidé, sans force, sans voix, sans vie, incapable de réagir.
L’individu n’est pas spécialement imposant, il me suffirait de le pousser d’un coup avec les mains, de le bousculer, simplement de le contourner pour m’engager vers la sortie… et rien. Les stations défilent, la mienne passe et je ne bronche pas, je ne dis rien pour me dégager et descendre. Je suis comme désarmé, incapable de rassembler mes idées, pire, je ne pense qu’à une seule chose, “pourvu que personne ne s’en aperçoive et que tout ça finisse vite.” IL finit pas arrêter et descendre. Je reste le dos à la porte et laisse passer 2-3 stations avant d’en faire autant.
Vidé, éreinté. cassé. Rentrer vite, retrouver mes repères, me doucher, n’en parler jamais… Et la honte, le dégoût, pourquoi moi, qu’ai-je en moi qui a permis cette chose, pourquoi n’ai-je pas réagi, moi ???! Pourquoi et comment cette passivité ? Comment ai-je pu renoncer à mon statut d’être libre, autonome, maître de son destin, de sa vie, de son corps ? Je ne me reconnais plus, je suis en colère contre moi, je me méprise même.
Il y a 40 ans, et pourtant, parfois je le ressens encore comme hier. Toutes ces sensations, cette violence, cet auto-dénigrement je les ai maintes fois rencontrés dans mes activités militantes et professionnelles contre les violences faites aux femmes. Car ce que j’ai vécu, subi, est le quotidien de milliers de femmes, hier comme aujourd’hui.
Alors, quand j’entends des réflexions indécentes et stupides “mais pourquoi elle a pas crié”, “pourquoi elle s’est pas débattue”, “ah moi je me laisserais pas faire” (eh oui, des femmes aussi), je bondis : mais tais-toi donc, tu ne sais pas ce dont tu parles, tu ne sais pas ce qu’est la sidération, il faut l’avoir vécue dans sa chair et je ne te le souhaite pas…
Bertrand
Cinq ans après son premier témoignage, Bertrand continue :
“Le récit, le témoignage comme une arme, comme méthode de reprise de son autonomie, de son pouvoir sur soi, condition pour lutter, plus fortEs encore contre la domination patriarcale.”
http://assopolyvalence.org/parler-cest-lutter/
Illustration par Myroie
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[…] « Sidération » […]
[…] Limites et mérites de la tolérance. Caroline Fourest. Logement. SIDÉRATION. […]
Bienvenu au club
Moi j avais 13a parti voir un film de bruce lee
J ai reagit quand il a commence a me caresser le sexe..
Et je jurerai que cet homme etait le juge pour enfant que j ai vu quelque temps apres , suite a un changement de garde, avec mon pere… C etait a dunkerque
J ai mis 20 a á en parler…
Plus je te lis, plus je te lie, plus je te découvre, plus je me dis que tu as et tu as eu une sacrée vie. Sacrée, dans tous les sens du terme ! Des bises.