Ces « elles » oubliées

J’entends des hurlements des cris des pleurs dans cet après-midi de chaleur
J’entends cette femme hurler un désespoir sans fin
J’entends l’homme qui lui reste calme
J’entends cet enfant hurler “non maman non !”
J’entends la femme de plus belle pleurer, hurler.

Le matin venu, l’orage est là,  les éclairs fusent de tous côtés
Les cris de la femme reviennent aussi fort que le jour d’avant
Rien n’a cessé, qu’a fait cet homme, que lui reproche-t-elle ?
Je ne l’entends pas, lui, cet homme sortant toujours avec un sourire de miel
Impossible qu’il ait fauté, cet homme ne peut pas…
Et les hurlements, les pleurs, continuent encore et encore
Cet enfant toujours au milieu pleure encore et encore.

Et moi là-dedans, je suis là j’entends encore et encore
J’entends et ne sais que faire
Je suis là, avec des tremblements, un cœur qui pompe en me demandant
Pourquoi ces hurlements, ces pleurs, ce désespoir sans fin ?

Là j’entends des pas dans l’escalier,  j’ouvre la porte doucement
Elle est là descendant
Je vais vers elle et ses pleurs recommencent,
Elle ne me regarde pas, son regard est totalement égaré
Cette femme est vidée, mais remplie d’un désespoir sans fin
Là j’apprends une chose…

Ce que je n’avais pas entendu
Les coups qu’elle a reçus
Ce désespoir de travailler pour lui
Cette peur de perdre son travail à cause de lui
Ces deux enfants perdus sous les coups de cet homme.

Dans cette maison j’ai entendu des coups de marteau
Je sais qu’au moins un homme s’y trouvait mais lui je ne l’ai pas entendu
Non chez nous on se tait
On se la ferme il est mauvais de s’occuper des autres
Non surtout pas, chut
Elle pleure, cette femme ; normal, les femmes ne savent faire que ça, pleurer
Elle hurle son désespoir, cette femme ; normal, même quand elles n’ont pas une nouvelle paire de chaussures c’est comme ça
Cet enfant pleure ; normal, un enfant ça pleure quand un parent crie.

Chez nous on se tait, c’est la loi
Chez nous par contre c’est la loi  de rentrer dans la vie privée des autres
Savoir qui fait quoi, et comment.

Chez nous par contre

Des femmes meurent chaque jour dans le silence. Le silence de notre lâcheté
Mais surtout de cet homme n’étant en fait qu’une représentation en chair
Lui n’est rien moins que rien, même un ver de terre a son importance
Lui n’est qu’un déchet ayant provoqué la mort de deux enfants que cette femme a portés
Elle est là et portera encore ce fardeau de coups mais combien de temps ?

Et le pire, la plupart de ces femmes se taisent par pudeur, par peur
Par jugement de leurs propres sœurs : nous, les femmes.
Les lois tolérance zéro… c’est beau sur des textes de loi mais rien d’autre.

Et dire que nous portons tous le nom d’humain.
Belle humanité que voici et nous osons donner des leçons aux autres pays alors qu’à côté de nous crève une femme sous des coups.

 

M.B/2013

 

sous-les-coups

 

Illustration par Lou

 

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