C’était un beau jour d’été au mois de juin, comme je sortais en ville et qu’il faisait chaud, je me suis mise en robe; ça faisait des années que je n’en n’avais pas mise. Je détestais ça quand j’étais petite.
J’entre dans le métro et un gars m’interpelle “vous avez des jolis yeux mademoiselle, on dirait des étoiles”. Je souris, ça me flatte. À cette époque je n’étais pas à l’aise avec mon physique et ma surdité n’arrangeait pas les choses. J’avais 16 ans, lui devait avoir la trentaine.
Je monte dans ma rame. Il me suit. Il commence à débiner son discours comme quoi je suis son soleil, que dès qu’il m’avait vue il savait que je serai la bonne, que je ressemblais à une actrice. Je souris toujours mais je suis mal à l’aise. Les gens nous regardent mais ne disent rien. Je les supplie avec les yeux. Mais je suis seule. J’attends avec impatience de pouvoir descendre à mon arrêt. Erreur, il descend aussi. Il me suit jusqu’au magasin où j’avais rendez vous. Je lui dis au revoir, je me dis “ouf, c’est fini”.
J’ai dû rester au moins une heure dans ce magasin le temps que l’audioprothésiste fasse un moulage dans mes oreilles. Je sors, je le vois caché derrière un arbre. Il se précipite et continue son speech. J’essaie de partir, il me supplie de boire un verre avec lui, “un seul et après c’est fini”. Je résiste, résiste, mais finalement j’accepte. Je n’osais pas le contredire de peur qu’il devienne violent et fasse une scène dans la rue, je n’osais pas me mettre en colère, lui dire “stop”, que j’en avais assez.
J’ai pris un jus de fruit, vérifiant qu’il ne mette rien dedans. La conversation est courte, j’avale rapidement mon verre. Je le vois qui commence à s’ennuyer. Je prétexte un rendez-vous et reprends la direction du métro. Il insiste pour me raccompagner. Au moment de dire au revoir, il se penche pour me faire la bise. Naïve que je suis, je fais de même. Il me vole un baiser. Je retiens mes larmes en descendent l’escalator. J’ai l’impression que tout le monde sait ce qui m’est arrivé. Que c’est collé sur mon front.
Avec mes amis, je minimise ce qui s’est passé, je le prends à la rigolade. Ce n’était pas un viol après tout, juste un gars trop collant qui n’avait que ça à faire. J’essaie d’oublier mais la honte de n’avoir rien pu faire est toujours là.
3 ans plus tard, je repense toujours à cette scène. Je suis toujours la cible des hommes dans la rue mais j’arrive cette fois à leur répondre. Je sais que j’aurais du lui dire “lâchez-moi, vous me harcelez” mais j’étais trop faible, encore une enfant qui vivait dans un monde doré.
Masel
Illustration par Shyvs
Parfois on est paralysée. On arrive tout simplement pas à parler.