J’achète mon billet de festival (dont je tairai le nom ici mais peut être des personnes sauront duquel je parle), je me dis que je vais revoir mon groupe préféré après de longs mois sans les voir, que je vais passer de supers moments, bref je suis heureuse.
Le jour J arrive. Tout se passe bien, le concert commence, je profite à fond des deux premiers morceaux. Et quand le troisième démarre, le cauchemar aussi. Bousculade dans tous les sens, mouvement de foule. Normal en festival me direz vous. Et je suis d’accord. Je suis même déjà ressortie de concerts avec des bleus à cause des pogos. Mais d’une violence pareille, non, ce ne sont plus des pogos. J’aurais mille fois préféré des pogos. En une dizaine de minutes, j’ai vu pas loin de 50 fans au premier rang se faire évacuer, en larmes, voire en plein malaise, tellement il y avait de violence derrière eux. Je peux même dire qu’à la fin du concert, on était plus d’une centaine d’évacués sur le côté. Au fur et à mesure, toutes les personnes avec qui j’étais au premier rang au début ont défilé devant moi, escortées par les agents de sécurité et ensuite les pompiers. Les deux amis avec qui j’étais ont vite été évacués aussi. Je me suis donc retrouvée seule, entourée de personnes défoncées et bourrées qui ne pensaient qu’à cogner tout ce qui bouge.
Le concert continue, j’essaie tant bien que mal d’en profiter malgré les coups et là il est arrivé. Le type qui a bien profité de la situation. Le type qui a profité du fait que je sois isolée et que je ne puisse pas bouger. Le type qui a passé de longues minutes à me toucher partout. J’ai essayé je ne sais combien de fois de le repousser, j’ai même réussi à lui broyer la main et peut être que je lui ai cassé un doigt. La colère et la peur sont un bon moteur. Mais il revenait à chaque fois. Et c’était de pire en pire. J’ai essayé d’être la plus forte et je continuais de le repousser mais au bout d’un moment la peur a pris le dessus. J’avais une peur bleue qu’il ose aller plus loin. Alors j’ai crié, voire hurlé à l’agent de sécurité le plus proche de me faire sortir de là. Il m’a aidée à sortir de cet enfer, sauf que le pervers derrière moi n’était visiblement pas de cet avis et m’a attrapée par la culotte et tentait de tirer dessus. Comme s’il voulait à tout prix que je reste. Comme un gosse qui ne veut pas qu’on lui retire son jouet.
Sur le coup, je ne me rendais plus compte de rien, j’avais l’impression d’être dans un tourbillon et que tout était irréel autour de moi. Je me souviens que mes jambes ne me portaient presque plus quand l’agent m’a posée de l’autre côté de la barrière mais je ne me souviens comment je me suis retrouvée assise sur cette civière, seulement du pompier qui me demandait si j’arrivais à respirer. Je suis restée assise là 5 minutes, à essayer de comprendre ce qui venait de se passer, à regarder la fosse déchaînée et la scène où le concert continuait. J’ai ressenti plein d’émotions différentes en même temps. Puis je me suis levée. J’avais juste envie de retrouver mes amis et finir de profiter du concert, ce que j’ai fait. Inconsciemment, je ne voulais pas penser à ce que je venais de vivre. Mais une fois que le groupe a quitté la scène, tout m’est revenu en pleine face. J’ai réalisé ce qui venait de se passer et j’ai réalisé jusqu’où ça aurait pu aller si je n’avais pas pu quitter la fosse.
Tout ce qui est arrivé repasse en boucle dans ma tête depuis 3 jours. Je me sens déconnectée. Je pleure pour un rien. Je suis horrifiée par ce qui s’est passé. Je pense à tous ces fans qui étaient venus passer un bon moment et qui en sont ressortis blessés, aussi bien physiquement que mentalement. Je pense à la sécurité du festival, qui a vite baissé les bras et nous a laissé à la merci de cette violence gratuite derrière nous. Je pense à ce concert que j’attendais depuis des mois et que j’ai loupé alors que j’étais pourtant présente.
Je pense à cet enfoiré qui en a profité et à ce qu’il aurait pu me faire si j’étais restée. Cet enfoiré dont je ne connais même pas le visage.
À toutes les personnes qui ont vécu une chose similaire, que ça soit vendredi ou à un autre moment : parlez. Ne vous taisez-pas. S’il-vous-plait.
Et à tous les fans qui ont vécu la même chose que moi vendredi : restez forts, vous n’êtes pas seuls.
Monna
Illustration par Marion Augusto