Nichons, seins, poitrine, tétons, mamelons…
Jamais ils n’auront autant existé que depuis que j’allaite…
Pourtant j’ai une grosse poitrine. Une énorme poitrine. une poitrine hors norme qui plastronne et me devance depuis fort longtemps et qui est arrivée très (trop) tôt dans ma vie. Bizarrement jusqu’ici, je ne lui avait pas accordé plus d’attention que quelques soupirs de découragement après 36 essais de maillots de bain pour en trouver un dans lequel elle rentre, et le désespoir des jours de chaleurs où je ne peux me résoudre à faire voler mon soutien-gorge pour être plus à l’aise…
Mais l’allaitement.
Allaiter. Images d’Épinal de bébé rose et sa jolie maman parfaitement coiffée (les cheveux propres et démêlés, autre mensonge) souriants d’un bonheur extatique et parfait, flottants sur un nuage de coton blanc…
Qu’on ne s’y trompe pas. J’aime allaiter mon bébé. Je veux le faire le temps qu’il le faudra, tant que je le pourrai. Il y a des moments où en effet, nous sommes yeux dans les yeux, lui tétant avec bonheur, moi lui souriant d’un amour inconditionnel. Ces moments existent et sont très beaux, sans doute uniques.
Mais j’ai lutté pour y arriver. Parce que ça fait VACHEMENT MAL. Peut-être qu’on n’est pas toutes égales face à ça. Mais franchement, on m’avait pas prévenue ! Seulement ma sœur, avec qui on ne se cache rien, et qui m’a devancée dans l’expérience maternelle, m’a envoyé (je vis loin – trop loin- de ma famille) des litres de lanoline et deux bouts de caoutchouc qu’on appelle téterelles et qu’au jour d’aujourd’hui je n’ai toujours pas réussi à utiliser (où alors j’ai des tétons plus courts que la moyenne – mystère – grosse poitrine/mini tétons ?). J’ai commencé à flairer l’embrouille.
Mes tétons étaient une de mes zones érogènes favorites. Maintenant c’est un NO MAN’S LAND ! Interdiction d’y toucher sous peine de GROSSE tarte dans ta gueule; nonmaisdisdonc.
Les deux premiers mois de l’allaitement, il m’est arrivé de pleurer de douleur pendant la tétée, tellement le bout était irrité, à vif, comme limé à l’acide sulfurique. Je mettais un soutif en permanence, même pour dormir, afin que rien ne puisse accidentellement en effleurer le bout.
Depuis, ça va mieux, mais quand bébé a très faim, ne va pas trop bien, réclame plus que d’habitude, la douleur se rappelle à moi.
Bien sûr, certain-e-s diront que je n’ai qu’à arrêter, qu’à passer au biberon… Je ne sais pas si c’est parce que c’est le premier, mais en tout cas, j’ai besoin de l’allaiter (en dehors du fait que la où je vis, cela coûte un bras le lait en poudre). C’est viscéral et instinctif. Mais je ne me permettrai pas de dire aux autres ce qu’elles doivent faire. Chacune fait comme elle le sent, je pense que c’est le mieux pour être le plus sereine possible.
Mais il faut savoir à quoi s’attendre ! Et encore j’ai eu la chance de ne pas avoir de crevasses au départ ! Je pense que c’est encore pire !
J’ai l’impression qu’il y a un tabou, un complot du silence, comme si, sachant toute la vérité (car ici je n’évoque que l’allaitement), nous renoncerions à avoir des enfants, nous, les femmes. Oui parce qu’en matière de douleur, l’accouchement, c’est hors catégorie. C’est un tout petit peu plus connu, mais largement sous évalué et sous estimé. Étrangement, tu donnes la vie mais tu as l’impression que tu es en train de mourir…
On en vient à une autre idée : Comment se fait-il qu’alors que nous abîmons, souffrions et déchirons nos corps pour donner la vie, nous ne dirigions pas le monde ? Voilà qui ferait l’objet d’un autre chapitre…
Tos

© Clémence Thune
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