Fin de grossesse, je n’en peux plus, littéralement, physiquement…je suis au bout.
Pourtant, je me dis que cette petite puce là aussi je l’aurais portée jusqu’au bout et on est mardi 2, le terme est prévu pour le samedi 6 donc tout peut arriver.
(Oui même l’impensable).

Ce bébé surprise, on l’a chouchouté, j’ai pris soin de moi, on a tissés des liens pendant ces 9 mois, sa grande sœur l’attend avec hâte et on vit sur le fil du bonheur, avec cette envie immense de nous retrouver enfin à 4, et commencer cette nouvelle vie qui s’offre à nous.
Tout est prêt, on a tout acheté, la valise est faite, on s’est préparé à l’accouchement, à tout.
(mais pas à l’impensable).

Aujourd’hui on a RDV à la maternité pour un contrôle du col, on entre dans le bureau, je suis suivie pour mon diabète depuis 3 mois, je vois la diabétologue tous les 15 jours, je l’ai eue au téléphone la veille, je gère bien mon taux et ça fait 2 semaines que je ne contrôle que 2 fois par jour.
Pourtant, pour la PREMIÈRE fois, la sage-femme me demande mon cahier de suivi. Pourquoi ?

Ensuite, on passe aux questions de routine et puis, résultat de la dernière prise de sang.
“Euh, comment vous dire, vous devez sûrement l’avoir”. Je l’ai donné à 2 reprises.
Mais non, qu’elle surprise, ENCORE une fois, pas de dossier, alors on recommence les questionnements inutiles et on finit par passer à l’examen.

Tension OK, poids OK, on contrôle le col (c’était le but du RDV donc pour moi c’est bien normal).
La sage-femme s’introduit en moi, fait une tête bizarre, grimace, lève les sourcils mais ne dis rien.
Bon!!
Puis d’un coup, son bras s’enfonce, elle me fait énormément mal, je commence à me redresser et mon pied se coince dans l’étrier, je gémis, je crie presque et elle finit par sortir sa main, me fait un gros sourire et dit toute guillerette, j’ai juste fait un petit décollement pour accélérer tout ça !!

A ce moment là, je me lève et m’habille, aucun mot n’est capable de sortir de ma bouche, je me sens mal et je ne sais pas pourquoi, en plus, moi, je ne sais pas vraiment ce que c’est un décollement.
La sage-femme me dit qu’on va monter faire le monito et nous ouvre le pas, mon chéri est décomposé, il n’a rien vu mais m’a entendu crier, il se demande ce qui s’est passé, j’arrive juste à lui dire que j’ai énormément mal. Dans le couloir, je demande une chaise, j’ai vraiment mal, je me sens tellement mal.

Monito OK, tout va bien, petite contraction non douloureuse, bébé bouge bien. On part rassuré mais, c’est moi qui conduis et j’ai extrêmement mal. Je pleure pendant les 25 minutes de trajet, je suis de plus en plus en colère. Pourquoi m’avoir fait mal, qu’est-ce qu’elle m’a fait ?
Cela doit être normal, c’est elle la professionnelle après tout.

Arrivé à la maison, je regarde sur internet et là je m’effondre, en faites un décollement, c’est un déclenchement !!
Je pleure toute les larmes de mon corps, à cause de la douleur mais surtout parce que mon plus grand désir, celui dont je parle depuis le début de la grossesse, ce désir de laisser faire les choses, de n’accepter aucun déclenchement quel qu’il soit et , le plus naturellement possible, ce désir-là n’a pas été respecté.
PIRE, j’apprends que la douleur est normale, mais comment peut-on décider sans mon accord, sans m’expliquer que ça va être douloureux, qu’il me faudra du repos, que je ne pourrais sûrement pas conduire…
Comment une autre personne peut prendre cette décision-là ?

Pourquoi je me sens si mal ?

Je me sens violée dans mon intimité, je suis en colère, je souffre, je pleure, je n’ai pas envie de vivre ça à quelques jours d’accoucher, j’aimerais tellement être dans ma bulle avec ma petite famille, calme et sereine.

Mais non, je ne peux même pas aller chercher ma fille à l’école, le lendemain après une nuit blanche, j’ai encore plus mal, je ne peux toujours pas marcher comme il faut, je me rends chez ma sage-femme libérale.
Elle me prescrit de l’homéopathie et en rentrant je rappelle l’hôpital, je veux parler à cette personne qui s’est permis de prendre une décision importante à ma place, mais elle n’est pas la soit-disant, elle me rappellera.
Pas de nouvelles, je décide d’écrire un courrier au chef de service…

Je n’en aurais finalement pas le temps…

Le pire jour de toute notre vie…
Jeudi 4 février 2016, ou le jour qui aurait dû être un des plus beaux de ma vie et surtout de celle de mon homme…

2 jours après le 2 février, toujours les douleurs, mais je me bouge car j’ai hâte qu’elle arrive, elle bouge bien en allant à l’école, à 11h30 une petite contraction et envie d’aller aux toilettes, en sortant, je perds du liquide marron, je trouve ça bizarre et j’appelle l’hôpital et ma SF, ils me disent de venir faire des prélèvements mais de ne pas m’inquiéter, moi tranquille, je prépare mes affaires.

A 12h, énorme contraction qui me fait plier par terre, j’ai mal, 3 minutes après encore pire, quand ma belle mère arrive je hurle mais je souris et essaye de la rassurer en disant que ça va aller.
J’ai pourtant déjà envie de pousser mais je me dis que ce n’est pas possible quand même et que ça devait être pareil pour ma 1ère, je sais plus, c’est tellement différent.

Dans la voiture les contractions sont violentes, la route me paraît interminable et je me retiens de pousser. Je perds les eaux et je sens qu’elle est passée dans le bassin et que ça tête se faufile mais entre les contractions je continue à rigoler et rassurer mon chéri et sa mère. Je panique pourtant de plus en plus et j’ai vraiment un mauvais pressentiments.

Arriver à 500 m de l’hôpital, je n’en peux plus et j’essaye de me déshabiller, en écartant un peu les jambes la tête descend et je me mets à hurler, ma BM se gare devant la porte et mon chéri part en courant chercher les SF, il y a plein de monde dehors et moi la porte grande ouverte, je suis en train d’accoucher, les SF arrivent à la seconde poussée et son petit corps sort, je l’avais déjà dans les mains et je la prends contre moi, elle ne bouge pas, ne pleure pas, on me dit que c’est normal, que ça été vite et qu’il faut lui laisser du temps, ils l’emmènent et je me délivre du placenta dans la foulée.
Il est 13h05, un peu plus d’une heure après ma première grosse contraction.

On restera ce qui paraît un moment interminable, je demande tout le temps comment elle va, si elle a pleuré, si elle a bougé mais on me dit d’être patiente, est-elle en vie ?
Il faut attendre pour en être sûre, je m’attends au pire mais on me dit d’espérer.
Je suis tellement anxieuse, on s’occupe de moi, j’ai eu tellement froid dans la voiture, je suis gelée, je tremble, j’ai le cerveau tout embrouillé et je voudrais revenir à il y a quelques heures, au chaud, dans mon lit avec ce petit bébé qui bouge en moi.
Puis l’équipe vient nous annoncer la terrible nouvelle, on nous dit pas vraiment qu’elle est morte mais “désolé”.
Désolé de quoi ? De me l’avoir prise pendant ces minutes interminables ? De ne pas me l’avoir emmenée tout de suite ? Comment ça désolé ?
Mon chéri pleure et moi je ne réagis pas, je ne veux pas y croire, tout allait bien ce matin, ce n’est pas possible.

Quelques minutes après on nous propose de la voir, je la prends dans mes bras et on dirait qu’elle dort, elle est belle je ne comprends pas, on n’avait même pas choisi le prénom, mon chéri choisira Luna. Je pleure tellement.
Elle est belle notre petite Luna, elle a des lèvres toutes fines, le même menton que son papa, des grands doigts, des grands pieds, elle est grande.
Elle fait 3kg360 et mesure 51cm.

Les sages-femmes reviennent la chercher pour faire les soins et les premiers examens. Elles prennent des photos et lui font ses empreintes pour que l’on puisse avoir des souvenirs.
Ensuite, on nous la ramène, on la regarde pendant des heures, et on pleure.

Après c’est le défiler des questions, prélèvements… on nous demande tellement de choses que je n’arrive plus à réfléchir.
Il faut prendre la décision pour l’autopsie, on nous explique que c’est important de savoir, sur le moment, on ne s’en rend pas tellement compte.
On nous demande aussi si on souhaitera avoir d’autres enfants, mais comment ça ? Je viens juste d’en avoir un.
On nous fait signer un tas de papiers, on nous demande si on veut l’incinérer ou l’enterrer.
Mais n’importe quoi, je veux juste ramener mon bébé chez moi, la porter dans ma belle écharpe, lui donner le sein et l’endormir tendrement avec ma Babychou.
C’est tellement irréel, on est en plein cauchemar, on va bien finir par se réveiller.

On nous emmène dans notre chambre ensuite et celle-ci donne sur le cimetière, je me dis que c’est une blague, on me répond que le service est plein. Tellement désemparée.
Mon chéri ne me lâche pas, il me fait un million de câlins, comme pour combler le vide, me dit que ça va aller, on parle beaucoup, comme si on avait déjà beaucoup de recul pour en parler tranquillement, puis on s’effondre à nouveau et on se reprend, encore et encore.
Tout ira mieux demain, non ?
La nuit sera longue, bercée par les pleurs des autres bébés.
Je me dis qu’au moins, ils sont en bonne santé eux et ça me rassure, puis ça me transperce le cœur, et je recommence à pleurer.

Un million de questions se bousculent, j’aimerais m’entretenir avec le chef de service, avec la sage-femme qui m’a fait le décollement, je me sens tellement mal, tant de douleur pour en arriver là ?

On se demande pourquoi ça nous arrive à nous, et si on avait fait autre chose, qu’a t-il pu se passer.
On pense surtout aux gens et à Babychou surtout.
Comment va-t-on pouvoir lui dire, c’est horrible de lui avoir promis une petite sœur et de ne pas pouvoir lui donner. Comment vont réagir les gens, j’ai honte, ils vont être tellement tristes.

Je me sens tellement coupable, j’ai donné la mort et non la vie.

Ely, triste maman d’une étincelle

Sur fond rose. Une écharpe rose et bleue forme un L. Le L du prénom « Luna » écrit en écriture manuscrite enfantine à la suite du L. Au dessus, on peut lire « Une étincelle dans ma vie ».

Sur fond rose. Une écharpe rose et bleue forme un L. Le L du prénom « Luna » écrit en écriture manuscrite enfantine à la suite du L. Au dessus, on peut lire « Une étincelle dans ma vie ».

Illustration par Granadilla