Je suis libertine.
Avant de devenir maman, j’étais libertine.

Ce libertinage m’a permis d’avoir confiance en moi. Au départ, j’étais une femme timide, avec peu de caractère, qui se laissait un peu trop souvent écraser. Le libertinage m’a aidée à dépasser tout ça et à me sentir bien dans ma tête et dans mon corps.

Avec mon conjoint, on a décidé un jour d’avoir un enfant. Je suis tombée enceinte tout de suite. Les projets sont allés très vite. Il fallait changer de voiture, changer d’appartement, plein de choses ont été chamboulées.

Ça a remis beaucoup de choses en question dans notre sexualité. Je n’ai plus eu vraiment envie d’aventures à ce moment-là. Il faut dire que très vite, j’ai été très fatiguée et j’ai commencé à perdre du sang. Je suis allée plusieurs fois aux urgences. On me disait que tout allait bien. J’ai passé l’échographie du premier trimestre et tout allait bien, le fœtus se développait normalement. Quelques jours plus tard, j’ai cependant fait une fausse couche. Ça n’a pas été simple. J’imagine que ce n’est jamais simple.

L’idée ensuite, c’était de retomber enceinte assez rapidement, pour oublier ce moment douloureux. Ça m’a semblé une éternité avant de retomber enceinte. Bizarrement, alors que cette envie d’être mère ne m’avait jamais obnubilée, j’ai eu l’impression, à ce moment-là, que j’avais « besoin » de devenir maman. Ma sexualité à cette période était beaucoup moins exacerbée, et finalement, je ne voyais plus que la finalité de tomber enceinte lors des rapports que j’avais avec mon conjoint. Je n’avais presque plus de vie libertine.

Un an après, je retombais finalement enceinte, alors que je n’y pensais plus, alors que je me disais que j’allais sûrement reprendre la pilule car l’année qui allait venir ne serait pas une bonne période professionnellement pour gérer une grossesse et un tout jeune bébé. J’ai eu très peur de refaire une fausse couche, et finalement, pendant les premiers mois, j’ai préféré mettre de côté mon statut de femme enceinte, même dans ma tête, et j’ai eu la chance de n’avoir presque aucun signe de grossesse. À ce moment-là, j’ai aussi rencontré un nouvel amant, un homme qui a été très compréhensif, à qui j’ai dit les choses telles quelles. Nous avons pu partager des moments de jeux très agréables. Mais je me souviens aussi de ce moment où, une fois, alors que nous étions pour la première fois dans une chambre d’hôtel à deux, je suis partie très vite à cause d’une frayeur, une marque de sang sur les draps. Il a compris que je veuille retrouver les bras de mon conjoint.

Une fois la période de risque passée, je me suis finalement plongée complètement dans ma grossesse. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à faire des projets et à mettre à nouveau de côté ma vie libertine. Le reste de ma grossesse s’est déroulé normalement, mais avec une appréhension énorme aux rapports sexuels : en fait, les contractions que pouvait générer un orgasme me rappelaient celles de ma fausse couche et toute ma sexualité a été finalement mise de côté à ce moment. Moi qui d’habitude suis très libre de ce que je décide de faire de mon corps, je me sentais un peu juste comme « l’incubateur » de mon bébé. Je savais que ça ne durerait que quelques mois et on ne peut pas dire que j’aie mal vécu les choses, mais c’était étrange de devoir restreindre mes envies. Avec mon conjoint, lors des dernières semaines de grossesse, on se disait même qu’on avait hâte que j’accouche, pour avoir notre bébé, certes, mais aussi pour retrouver notre sexualité.

Quand ma fille est née, j’ai eu beaucoup de chance, tout s’est super bien passé, un accouchement comme en rêvent sûrement beaucoup de femmes. De mémoire, je crois que trois semaines après mon accouchement, nous retrouvions l’un et l’autre l’envie et la possibilité de faire des câlins. La vie a repris son cours aussi. J’ai été pleinement maman pendant mon congé maternité. Puis j’ai repris le travail, une nouvelle organisation, et cette envie de chercher à m’épanouir en tant que maman, bien qu’il m’ait semblé important ensuite de ne pas oublier les autres facettes de ma personne.

J’avais aussi envie de m’épanouir dans mon couple, ce qui a été possible assez rapidement car nos parents respectifs ne vivent pas loin et pouvaient facilement garder la petite. Nous avons pu ressortir ensemble et retrouver toute notre complicité. Et j’ai pu également m’épanouir personnellement en tant que femme : je suis heureuse d’être dans une relation qui me permet de continuer à sortir encore régulièrement, d’avoir du temps pour moi et de sortir un peu du quotidien. Nous avons retrouvé notre équilibre pour continuer à nous sentir tous au mieux.

L.

Dessin au feutre : une femme nue, brune, les yeux fermés, la tête baissée, pointe du doigt un très gros oiseau sur un perchoir. L’oeil de celui-ci émet un rayon qui le relie au doigt pointé. Il a des tâches bleues sur son plumage, elle porte un long kimono rose foncé à fleurs qui tombe de ses épaules. Le sol est bleu clair, le ciel bleu nuit. Au-dessus de sa tête, un croissant de lune inversé, du même bleu que le sol.

Illustration par N.O.