Encore toi ! Est ce que tu reviendras toujours ?
Il y a pourtant des années…

Depuis, j’ai l’impression d’avoir vécu si longtemps…
Au coin des rues, dans les yeux d’inconnus, dans mes cauchemars et aujourd’hui te revoilà,
Dans ces pages entre lesquelles j’ai compressé mes souvenirs.

Je relis… des mots d’amour, de détresse, de tristesse, de haine, de terreur… De la terreur surtout.
C’est étrange d’avoir la sensation de découvrir d’abord… et puis, trop vite, tout revient.
Tout revient toujours d’ailleurs. Dommage, on peut se passer de certains détails quand c’est l’histoire d’une autre…
Moi, je les ai tous. Ils partent et reviennent en un coup de vent.
Après le vent, il reste la Peur…
Je le sais maintenant. C’est elle que je craignais. Elle, plus que tes coups !

Je la revois, je la matérialise : une seule seconde pour espérer ou pour craindre le pire. Une seule seconde pour douter, pour prier, te supplier. Une seule seconde de sensations qui ne me quitteront jamais.

Une seconde, se figeaient l’horreur dans tes yeux, la position de tes mains, ta puissance.
L’impossible contournement de ta domination.

Une seconde, pour voir venir le premier coup, évaluer sa force, quelle partie tu visais. On sait bien ce que tu visais.

Une seconde, j’aurais pu rêver aussi… tout pouvait encore changer. Si j’arrêtais ta main dans son élan,  si j’avais ta force, si tu respectais ma chair, si tu avais pitié , seulement, de mon regard qui te demandait pardon. Sans raison. Et pour qui, pourquoi, ai je encore besoin de le dire ?

Une seconde, pas de fatalité.

Une seule seconde pour s’épargner les regrets. L’irréparable. Pour me lever autrement, demain. Recommencer. L’espoir, encore, que ça n’arrive plus jamais et « j’oublierai promis, je pardonnerai TOUT TOUT TOUT…. ».

Une seconde, interminable, qui va s’écouler. Voilà.
C’est inéluctable, tout va basculer. D’un coup. Un sec.
Et la suite, on la connaît. Mais si ! Tu sais bien :

Je tomberai à genoux ou alors je presserai bien fort mes mains contre mon visage car tu m’auras assez répété combien tu rêves de le marquer. Peut-être que je contracterai tout mon corps, en boule, par réflexe, pour avoir moins mal. En tous cas, il y aura les mots, les insultes, ton mépris; tout ce qui a longtemps paralysé ma mémoire, supprimé mon assurance.
Il y aura les coups, ceux de tes mains, de tes pieds, de ta ceinture. Il y aura les bousculades contre les murs de ton appartement, les sifflements dans mes oreilles, mes yeux embués de larmes, ma vue brouillée, le son troublé, ma tête à droite, ma tête à gauche, mon corps debout, mon corps par terre, mes cheveux en l’air, mes cheveux dans ta poigne, le goût du sang dans ma bouche, ton crachat sur ma bouche. Tes mots encore. Tes mots toujours.
Plus tard, tu auras nourri tant de haine en moi, tu m’auras faite si sauvage qu’un jour j’ouvrirai les yeux bien grands pour que tu t’y voies, que tu en aies honte. Je te dirai mon dégoût et mon désespoir, pour te mettre plus en colère encore, pour en finir.
Un jour, je me frapperai la poitrine jusqu’à manquer d’air t’implorant d’en finir. Pourvu qu’on en finisse.

Mes cris. Mes cris. Tes menaces. Ton souffle.
Le vertige le soleil qui brille dehors, le bruit de la rue.
Le visage de mes parents, la honte, ma honte, mon silence. La solitude. La solitude.

La porte qui claque. Des larmes. Le soulagement.
Il s’est écoulé des heures. Ça alors,  je n’avais pas vu le temps filer; j’avais oublié que la Terre tourne.
Les couleurs, les douleurs, attendent toujours le lendemain…
Le temps d’une seconde, je n’ai voulu que vivre
En attendant, je respire

S. T.

 

Dessin rouge sur fond blanc. Un visage de femme, de face, terrifié. Les bords du visages sont floutés, seul un oeil écarquillé de terreur est net. Autour de l'oeil, centré sur cet oeil, un cercle rouge vif, un cadran d'horloge dont on distingue le 10, le 11 et le 12 : l'équivalent d'une seconde est colorié en rouge pâle entre le 11 et le 12, à la verticale, au-dessus de l'oeil terrifié.

Illustration par Léo