J’étais jeune maman, active, militante. Je me débrouillais seule et des hommes j’étais devenue méfiante. Nos regards se sont croisés, on s’est observé, et tu m’as prise en chasse. J’étais « belle, intéressante, débrouillarde ». Tu étais beau, drôle, stable. Tu m’as enjôlée, tu m’as apprivoisée, j’étais envoutée. Tu m’as vendu un rêve. Celui qui résonnait en moi d’envies cohérentes, de convictions et de valeurs semblables, de projets communs que nous pouvions réaliser ensemble puisque nous empruntions le même chemin…
Le jeu commençait…
Et puis tout s’est embrouillé, déstabilisé. J’ai découvert tes colères cachées… ton passé délaissé… des blessures trop profondes pour ne plus les remarquer. La « spirale » comme tu l’appelles. Celle qui d’un moment à l’autre me faisait sentir la femme la plus exceptionnelle dans tes yeux amoureux à la dernière des dernières dans ton regard haineux. Celle qui te faisait mentir sans même que nous ne nous en rendions compte… Le début des incohérences, des j’te donne j’reprends, des oui un jour, non toujours… Je t’aimais pourtant, accrochée, aveuglée par tout le beau qu’il y avait tout autour ! Je me répétais si fort « après la pluie vient le beau temps ! »
J’ai été forte, j’ai tenu tête, je restais ferme… Et puis qu’est ce qu’il s’est passé ? Sans même m’en rendre compte, je suis devenue l’ombre de moi-même. Non ! TON ombre ! La peur m’écrasait toujours un peu plus, peur des colères puis des silences, peur de te perdre si trop fort je m’affirmais. Le temps passait et tes tentacules m’ont enlacée, enserrée, étouffée… Je n’existais plus qu’au travers de ce qui me semblait être nos projets, tes envies, ta vie… Je me greffais partout sans plus me demander où moi je me situais. J’étais là, c’est tout. Les rares moments de bonheur auxquels je me raccrochais étaient souillés par les doutes, je perdais confiance… mais obstinément, je croyais en nous.
La violence des mots, des reproches, des injustices, des silences, des mensonges, envers toi-même mais déportée sur celle qui se trouvait là, moi… Ces coups de fouets qui m’arrachaient toujours un peu plus des bouts de moi !
Ah ! Ça, tu ne m’as jamais levé la main dessus… Ça aurait été pourtant tellement plus simple de comprendre ce qu’il se passait… Tu ne voulais pas me perdre, je prenais ça pour de l’Amour, tu savais instinctivement quoi dire pour que jamais je ne m’éloigne… Perdre l’objet chéri autant que haï, inenvisageable !… J’étais ta sauveuse persécutrice, ou bien ton bourreau compréhensif. Mais j’étais toujours là pour toi. Tu m’as laissée plusieurs fois, mais tu revenais toujours. Presque 3 années, à vivre les extrêmes, une épée de Damoclès au dessus de la tête, dans la crainte du tsunami qui se cachait en toi et qui de plus en plus souvent faisait sa loi… 3 années où tu me remplissais de bonheur pour mieux tout saccager, reprendre ce que tu donnais.
Je sais, oui, je sais, tu as ce passé qui a fait ce que tu es aujourd’hui, tu as des « raisons », tu as des excuses… Mais non, en fait aujourd’hui tu n’en as plus….
Nous subissons tous un part de notre passé, mais c’est à nous de devenir maître de notre avenir. Elle est là notre responsabilité… *illumination* Presque 3 années à me battre comme une lionne – ta guerrière comme tu m’appelais – pour t’ouvrir les yeux, pour que tu apprennes à prendre soin de toi, que tu écoutes tes blessures pour réussir à les laisser cicatriser, à t’envelopper de mon Amour inconditionnel … à mes propres dépends…
J’y croyais pourtant tellement, dans tes yeux, dans mon cœur, nous avions tout pour être les rois du monde… Tu étais le chat, j’étais la souris… J’étais devenue ce doudou qu’on cajole puis, une fois rassasié, qu’on abandonne, qu’on reprend, qu’on oublie… et je ne disais toujours rien, la peur me tenait, la dépression me guettait… Il aura fallu que je baisse les bras, que s’en soit trop pour moi et que je dise « STOP ! » pour que tu commences enfin à te battre, pour toi-même et puis un peu pour nous… Des heures de discussions, d’écrits, nous reposions enfin les bases. La démolition prenait fin, enfin je comprenais qu’il fallait que je pose mes limites, que j’existe.
Notre histoire prenait tournure… Les projets se concrétisaient, tu semblais accepter les aides apportées. Je reprenais espoir… Un nouveau sweet home, du labeur, des sourires, la vie, on était si fier de nous… puis une petite graine de plantée, un cadet pour « notre » ainée… Une famille qui se construisait, un gros FUCK aux épreuves passées… Tout n’était pas réglé, bien sûr, la spirale réapparaissait, mais c’est main dans la main que nous nous battions enfin…
J’ai baissé la garde….
Ô combien tu semblais heureux… Ô combien tout s’apaisait enfin… Ô combien je me sentais bien…
Les projections, annoncer la nouvelle aux proches, la machine était lancée et toi tu rayonnais… « Notre » grande si fière… et moi ? Je savourais enfin… tout semblait parfait… Trop parfait.
***
La sentence est tombée. 1 mois plus tard, tout pile, t’as tout gâché, tout saccagé. Pour de bon, ce monstre de colère refaisait surface, tu ne le maitrisais plus et ce fut l’escalade – ou la dégringolade selon de quel coté on se place… en 24h, t’as tout fait exploser… je me suis retrouvée seule, ta haine sur moi et ce bébé, j’en faisais quoi ?
T’étais parti en m’annonçant que cet enfant tu n’en voulais pas et que nous, c’était une mascarade… Que tes problèmes, tu ne pouvais pas les régler à mes cotés… des mois de luttes, de soutiens, d’espoirs, des mois de bonheur mensonger, la Terre s’ouvrait sous mes pieds. Impossible de démêler le vrai du faux, les nœuds sont trop épais.
Ascenseur, me tiens-tu ? Du plus haut je me suis retrouvée pour la énième fois au fond… la chute fut vertigineuse… incompréhensible…
La mort dans l’âme j’ai fait « ce qu’il fallait »… In extremis, intrusif, dépressif… Mon choix était conscient, mais mon cœur en saigne encore… Dans quelques jours, nous devions être parents et chaque nuit depuis 7 mois, mes rêves me le rappellent…
Tu m’as arraché des vies… et pas seulement la sienne… Il a fallu du temps pour que je comprenne…
Il m’a fallu des mois pour assimiler les données, pour disséquer cette violence, pour accepter que je n’y étais pour rien. J’ai été happée, ma seule responsabilité est de t’avoir aimé et de m’être laissée aveugler. Il m’a fallu des mois et beaucoup de colère pour ne plus te trouver d’excuses. Aujourd’hui, c’est toi qui ne te sens pas bien. Toi aussi tu as compris ce qu’il s’est passé, Bonjour Culpabilité ! Et malgré tout, je te souhaite de trouver ton chemin et d’être un jour serein. Des regrets, j’en ai quelques-uns mais de la rancœur je n’en ai point, ça ne mène à rien.
T’es pas un méchant, juste un paumé … Et moi je ne veux plus m’éparpiller….
A cette heure-ci je vis, je réapprends, être moi, forte, libre… Paisible, je n’ai plus peur et seules tes propres angoisses me font encore parfois du tord… tu me relances sans même t’en rendre compte, tu cherches mes réactions. Suis-je encore là ? Où bien cette fois ? Je sais, je sais… Ce n’est pas méchant, juste un peu lassant… parfois encore déstabilisant… Le choix, c’est toi qui l’as fait, et c’est moi qui m’en remets… et cette fois je connais tous les pièges et même s’il m’arrive encore de trébucher, je sais maintenant m’en tenir suffisamment éloignée pour ne plus tomber au point de me blesser.
Toi qui cherchais ta liberté, ta barque tu l’écopes toujours… Moi qui m’enchainais à toi, aujourd’hui je hisse la grand-voile…
J’ai brisé mes chaines, et j’ai quitté le port…
Le vent dans le dos, je te laisse à quai, sans colère ni remords…
N.
Très beau témoignage…
magnifique, j’en ai eu la larme à l’oeil de souvenirs bien trop présents malgré le temps….
Je ressens chacun de tes mots. C’est à la fois triste, réconfortant et perturbant de lire sa propre vie. Je me bats encore aujourd’hui, parce que l’amour me fait me sentir lionne… On verra bien comme tout ça finira.