J’ai cette image en tête depuis un an. Persistante, entêtante. À l’époque, je la considérais comme une réponse aux prières anti-IVG de l’association SOS Tout-petits devant l’Hôpital Tenon. Voir ces intégristes à genoux brandissant des images pieuses avait soulevé une profonde colère et une incompréhension totale (et naïve, mais cela je ne le découvrirai que plus tard) : comment, dans un pays comme la France que l’on dit patrie éclairée, terreau des Droits de l’Homme, comment pouvait-on tolérer ces agissements ? Des prières de rue (interdites d’ailleurs aux musulmans, vous avez dit « deux poids, deux mesures » ?) encadrées par les forces de l’ordre, qui culpabilisent les femmes venant avorter. Le tout évidemment dans l’indifférence générale.

Et puis il y a eu l’Espagne et cette loi, destructrice, visant à limiter l’IVG aux cas de viols ou de danger pour la santé de la mère. Nos cher-e-s intégristes, galvanisé-e-s par leurs manifestations contre le mariage pour tous, ont décelé là un nouveau cheval de bataille, une nouvelle guerre sainte sous l’égide du Pape en personne. Les slogans grotesques et culpabilisants étaient les mêmes mais, d’une dizaine, ils sont passés à des milliers. « Une marche pour la vie », mon cul ouais. Celles et ceux qui s’auto-proclament pro-vie mais que l’on nommera anti-choix se sont rassemblé-e-s, tous bords confondus, et ont battu le pavé, provoquant une excitation médiatique. C’est vrai que ça fait de jolies images, les papas-mamans propres sur eux. Alors que nous, les féministes, les hystériques, les mal-baisées, les féminazies, on ne donne pas assez dans le spectaculaire. On en interview une histoire de se donner bonne conscience et on retourne de l’autre côté prendre son pied.

Du spectacle, je vais vous en donner moi. La violence de nos ennemi-e-s est réelle. Leur haine aussi. Leurs mots comme autant de claques, autant de pas en arrière. Avec leur dieu en bandoulière, ils estiment pouvoir se mêler de ce qu’il se passe entre les jambes des femmes. Régir, contrôler, soumettre, ordonner. Des images, c’est surtout ce que je sais faire. Et quand ça gronde en moi, il faut bien que ça sorte. Je laisse la plume et le verbe à celles et ceux qui savent si bien les manier.

Pour ma part, je vais au front. C’est là que je me sens à ma place. Toutes et tous uni-e-s contre l’obscurantisme.

 

Julia Javel

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Illustration par Julia Javel