Le piège d’Internet. La toile. The Network, comme si bien décrit, nous permet de nous exprimer tout en nous dissimulant. Et quoi de mieux pour les prédateurs ? Parler d’art, se dire poète, complimenter par-ci par-là quelques jolies gamines qui, se sentant flattées, répondent le plus naturellement du monde : « Merci, c’est adorable ! » Quoi de plus naturel, dites-moi, que de vouloir être regardée, aimée ? Qu’à 15 comme à 50 ans, se sentir désirable soit un atout pour grandir, une nécessité pour s’accepter ? Alors comment prendre un compliment, un seul, d’une personne de deux fois votre âge, qui vous trouve jolie, intelligente et artiste ? Le prendre en souriant, fière. Mais qu’arrive-t-il derrière ces compliments, pianotés non sans arrière-pensée ?

Aujourd’hui, nous espérons mettre fin aux agissements de pervers, d’apparence doux et adorables, rêveurs et grands enfants, qui derrière leurs claviers nous complimentent. C’est un message, puis deux, puis trois, puis de longues conversations. Nous banalisons. Les mots doux d’un homme de 28 ans ? Nous rions nerveusement derrière nos écrans, non sans nous inquiéter quelque peu. Mais à quoi bon ? Nous sommes protégées par ce même écran. Aujourd’hui, je parle au nom de ces filles, adolescentes entre 14 et 18 ans, qui ont été les victimes d’un certain poète twitterien, âgé de 28 ans. Il a envoyé des propositions sexuelles, parlé de mariage, d’amour fou, de liens cosmiques comme à la plupart d’entre nous. Les unes après les autres, il nous faisait imaginer le plus bel amour qui soit. J’ai eu la chance de me réveiller plus tôt que certaines et d’avoir mis fin à ce petit jeu malsain. Mais comment réagir lorsque cet adulte, suite à nos messages inquiets et lui ordonnant d’arrêter de nous parler, nous parle alors de se suicider ? Nous dit que nous sommes LA fille de sa vie, et que sans nous la vie perd tout son charme ? Nous l’avons bloqué, sur tous les réseaux sociaux, et deux jours plus tard, j’ai reçu un mail. De sa part. Cet homme avait été jusqu’au fin fond de mon blog pêcher mon adresse mail. Ce mail était tendre, poétique. Mais j’ai préféré vomir dessus que de reprendre contact avec un fou furieux pédophile. En lisant ceci, il s’en ira dire que jamais, à son grand dam, jamais son intention n’a été de nous séduire. Alors que dire devant la preuve accablante d’un screenshot qu’une gamine de 15 ans a effectué, où l’énergumène lui disait clairement vouloir « se remuer dans elle » et « la faire venir à Paris pour une folle nuit » où « il lui ferait du bien » ? ! Où il lui propose « de lui faire l’amour »… QUE DIRE ? ! Sous la couverture d’un gentil artiste encore enfant, l’homme nous propose des relations sexuelles. Suis-je obligée de rappeler qu’entre les 15 ans de cette jeune fille et ses 28 ans subsistent 13 ans d’écart ?

Contre le harcèlement, contre ce sentiment de culpabilité qui pèse aujourd’hui sur nous, jeunes filles mineures, après avoir reçu des menaces de suicide de sa part lorsque nous le rejetions, je dis NON. NON au harcèlement sur le web, OUI à l’acceptation de ses conséquences, NON à la banalisation de la drague d’un adulte responsable sur de jeunes mineures, NON à la liberté de ces individus qui, conscients de leurs charmes, en usent pour provoquer des rencontres réelles et abuser de ces jeunes filles. Aujourd’hui, toute trace de remords a disparu. Parce qu’aujourd’hui, nous avons évité à un prédateur de faire sa première victime. Et j’en suis fière, car malgré les insultes et les « vous n’avez pas été violées », nous avons évité un « je n’ai pas pu l’en empêcher ».

Nine