Un jour, un test de grossesse positif. Sans que ce soit prévu, mais une excellente nouvelle pour mon amoureux et moi. Et sans l’avoir réfléchi, pensé, attendu… les transformations de la grossesse. Très vite, les nausées, les vomissements, la fatigue qui font oublier toute idée de sexe. Puis, dans les mois qui suivent, un corps que je ne reconnais plus, que j’ai l’impression de ne plus maîtriser. Le sexe est à mille lieues de mes préoccupations.

Puis l’accouchement. La tête accaparée par le bébé. Le corps qui doit se remettre de la grossesse, de l’accouchement, en étant sans cesse sollicité : il faut porter bébé, se réveiller la nuit… Le post partum est un peu compliqué : je saigne beaucoup, mon épisiotomie ne cicatrise pas très bien, les fils résorbables ne se résorbent pas.

Il me faut donc quelques semaines pour que le désir, l’envie de sexe reviennent doucement. Mais des douleurs persistent au moment de la pénétration. Après un examen où je pleure de douleur, une gynéco parle d’un ligament abîmé. Dit que ça fera mal « encore quelques mois ». Le peu de libido que j’avais disparaît.

Il faudra presque un an pour que les douleurs cessent. J’ai très peu de désir. Ce qui est compliqué, c’est le décalage entre mon absence de libido et la présence de celle de mon amoureux. Il est respectueux, n’insiste jamais. Mais j’ai du mal à accepter la présence même de son désir, parce que mon corps n’y répond pas. Quand il me prend dans ses bras, je suis contente de cette tendresse, mais en même temps, je fais attention pour ne pas qu’il ait envie. Pour ne pas devoir lui dire non. Non, ce n’est plus partagé. Non, moi je ne vis plus ça.

Et dans ma tête, la question : et si ma libido ne revient pas, qu’allons-nous faire de ce décalage ?

Petit à petit, pourtant, elle est revenue. Ça a pris des mois. Je m’appliquais à faire croître, grandir le moindre début d’envie. Je jouissais à nouveau. Le sexe est redevenu facile.

À ce moment-là, j’ai à nouveau été enceinte. Et j’avais peur. Peur que ça recommence. Avoir mal. Ne plus avoir envie de lui. La grossesse a été compliquée. La seule fois où nous avons fait l’amour, cela a provoqué des contractions, à cinq mois de grossesse. Trente-six heures d’hospitalisation. « Il vaudrait mieux éviter les rapports pendant quelques mois. » Suivre ce conseil des médecins n’a pas été difficile : ça nous avait coupé toute envie à tous les deux. Au moins, on était sur la même longueur d’onde.

Là encore, le post-partum a été difficile. Nouvelle épisiotomie, déchirure, s’asseoir sur des poches de glace en attendant que ça cicatrise. Un allaitement qui met du temps à se mettre en place. Un nouvel équilibre à trouver en famille. Le sexe n’a pas sa place.

Mais contrairement à la première fois, quand nous avons à nouveau eu envie de sexe, tout est revenu très vite. Le désir, le plaisir. Pas de douleurs, cette fois-ci, pas de décalage entre nous. Après  trois ans de vie sexuelle compliquée, j’ai eu l’impression que l’on se retrouvait.

J’avais pris le temps de m’approprier mon corps modifié par les grossesses et les accouchements. D’accepter ses défauts : des vergetures sur les seins, des cicatrices, le bout d’hymen qui, déplacé lors de l’accouchement, sort désormais du vagin… D’être fière de ce qu’il avait été capable de faire aussi : deux grossesses menées à terme, des accouchements physiologiques, sans médicalisation, un allaitement… La rééducation du périnée par la méthode CMP (connaissance et maîtrise du périnée) m’a permis de prendre vraiment conscience de celui-ci, de son fonctionnement, de retrouver la maîtrise de mon corps. Je l’ai vraiment vécue comme un empowerment. Aujourd’hui, je me connais mieux qu’avant les grossesses.

Et physiquement, mon amoureux aussi. Il a assisté à tous les changements. Il a été à l’écoute des douleurs, des envies différentes, des conséquences de la maternité sur moi. Je n’ai plus de complexes vis-à-vis de lui, plus de petites timidités, coquetteries ou dissimulations. Il a déjà tout vu de mon corps. J’ai l’impression que notre sexualité a été débarrassée du superflu. Des choses « qui se font ». On va plus directement à l’essentiel, à ce qui nous plaît à nous. Est-ce dû à la maternité, au fait que je me connais mieux aujourd’hui ? Ou au fait que le temps a passé, que notre couple a évolué ? Je n’en sais rien, mais c’est bon, en tout cas. 

Laura

Dessin au crayon de couleur : deux silhouettes féminines dos à dos, l’une bleue, l’une rouge. Yeux fermées, elles sont nues et enceintes, entre leurs fesses collées pousse une petite tige feuillue. Leurs poils pubiens et aréoles sont vert.e.s.

Illustration par Ipomée

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