« PUTE ! PUTE ! PUTE ! PUTE ! »

Je me pose la question depuis une semaine maintenant :
« Comment expliquer ? »
Je me retrouve devant une page blanche et je ne sais pas par où commencer ; alors que les mots me viennent si facilement quand je me retrouve seule sous ma douche, derrière mon Xème verre ou tard le soir dans mon lit.

Tout est dans le désordre, j’ai pourtant mille et une choses à dire.
Tout ça est encore si frais, trop frais sûrement.

«  JE T’AIME. ÉPOUSE-MOI. »

Je vais parler ici de violences psychologiques, morales et si destructrices qu’elles font qu’aujourd’hui je suis encore en larmes en me replongeant dans tout ça. Ces violences qui font que mes blessures ne se soigneront pas en quelques jours, ni en quelques mois. Ces violences qui me couvrent de cicatrices invisibles et indélébiles.

« TU ES UNE PERTE DE TEMPS. TU N’AS PAS DE VIE SANS MOI, REGARDE… »

Voilà les premiers avertissements que j’ai reçus, il y a maintenant plus de deux ans : « Fais attention à toi, je le connais, tu vas bientôt souffrir du syndrome de la femme battue ». Je ne voulais pas y croire, je ne voulais pas l’entendre, je ne pouvais pas le croire. Pourquoi faire attention face à cet homme si charmant, si aimant, si fragile ? « Ceci ne pourrait pas m’arriver ; j’ai reçu une éducation très féministe ; un homme ne me fera jamais de mal ou je partirai ; et puis surtout pas lui ; il n’est pas méchant… »

Si seulement j’avais prêté attention à cet avertissement et à tous les autres qui ont suivi… J’étais si aveuglée par cet être si vrai et par mon amour.

« JE NE PEUX PAS VIVRE SANS TOI, JE N’AI JAMAIS ÉTÉ SI HEUREUX QU’AVEC TOI. »

C’était un cycle ; les retrouvailles, la passion, l’amour, les doutes, l’abandon, l’ignorance, la haine, tout ça en trois mois. Puis ça recommençait.

Il m’aura fallu beaucoup de temps pour ne plus l’idéaliser, pour ne plus rien espérer, pour ne plus lui trouver d’excuses, pour tirer un trait, après deux ans de relation et des mois de guerre entre la relation passionnelle et le deuil.

Deux ans d’enfer teinté de paradis. Deux ans d’ascenseur émotionnel.

Deux ans, c’est long, ça marque. Les cicatrices, elles, sont toujours là !

« QUAND TU AURAS PERDU TA JOLIE PETITE GUEULE, TU NE SERAS PLUS RIEN POUR PERSONNE, PROFITES-EN, OUAIS. »

Tout était si insidieux au départ, il ne disait que des petites phrases, lâchées ici et là ; mais je me sentais si vivante à ses côtés ; alors je n’entendais pas, je laissais passer car je l’aimais. Puis est venu le temps des actes et des mots qui te font l’effet d’une bombe. Le temps où je ne pouvais plus ne pas entendre ou ne pas voir… et pourtant je suis restée, j’y suis même retournée encore et encore, le « syndrome » était entré en moi, l’emprise de l’homme que j’aimais le plus au monde ne me lâchait plus.

« JE VAIS MOURIR SANS TOI, NE ME LAISSE PAS, SOYONS HEUREUX COMME ON SAIT LE FAIRE. »

Je n’ai jamais autant entendu en simultané de « je t’aime », de demandes en mariage vs des « pute »,  « pauvre fille ». Sans oublier son ignorance. Je n’étais rien, mes appels ne valaient rien, j’exagérais toujours mes ressentis, j’étais soit trop, soit pas assez. Il trouvait toujours un moyen de m’atteindre, peu importait lequel.

« VOYONS… ILS S’INTÉRESSENT A TOI CAR ILS ESPÈRENT TE BAISER. »

Ses appels à lui devaient être entendus car ils valaient quelque chose. Et malgré ses moments d’ignorance envers moi, j’ai toujours été là pour lui. Physiquement ou psychologiquement. Je n’osais même pas penser une seconde le laisser seul, je n’osais même pas penser ne pas répondre à un de ses messages. D’abord, je ne le pouvais pas : il me touchait, je l’aimais plus que tout. Mais j’avais surtout peur des conséquences. Ne pas lui répondre amenait toujours une phase de haine, de menaces en tout genre, d’horreurs. J’étais prise par la peur quoi que je fasse. C’est ridicule d’avoir peur d’un texto, mais j’en suis arrivée là…

« IL SUFFIRAIT D’UN MOT DE TOI. JE T’AIME TELLEMENT. J’APPRENDS AVEC TOI. »

J’étais sa chose, qu’il aimait ou détestait au gré de ses envies. Il faisait ce qu’il voulait de moi, un coup j’étais sa psy, son infirmière, sa maîtresse, son amoureuse, sa chieuse, sa vie, sa femme, j’étais ce qu’il décidait que je sois… Je n’avais pas le droit d’aller où je désirais, de parler à qui je voulais. Je n’étais plus une personne à part entière, j’étais et devais rester sa personne. Si je parlais à quelqu’un c’était pour lui faire du mal, si je m’entendais bien avec une personne c’était pour le rendre jaloux ou lui voler sa vie, si je m’amusais sans lui je me prenais des « Tu vas à des concerts pour te faire baiser », « Tu t’amuses toujours sans moi, tu te moques de moi », etc. Et j’ai accepté tout ça, tout en essayant toujours de me justifier car je ne voulais pas le blesser. J’ai accepté ses jalousies, sa possessivité, son emprise et pour quoi ? Pour être trompée, trahie et jetée. Souvent, trop souvent.

 « JE LUI AI MIS DEUX DOIGTS, C’ÉTAIT JUSTE UN DÉLIRE DE BOURRÉS. »

L’aura qu’il dégage m’a aveuglée si longtemps. Je ne pouvais pas croire qu’une personne aimée de tous, si sociable, si passionnée, si douce, si fine, puisse faire tant de mal et s’en foutre éperdument.

Je suis parfois encore tiraillée entre mes différents sentiments. J’aimerais le haïr, au moins un temps, ou ne plus rien ressentir, mais je n’y arrive pas vraiment. Le lien n’est pas encore totalement brisé, me dit-on.

« TU ES MA FAMILLE. MON FILS T’AIME AUSSI. NOUS AVONS BESOIN DE TOI. »

Cet homme m’a amenée dans sa folie, tout doucement, sans que je m’en rende compte. J’ai voulu mourir, littéralement, à plusieurs reprises, car l’image qu’il me renvoyait de moi était sans espoir ; je n’étais rien, alors pourquoi continuer ? J’ai été violente, plus que de mesure, envers lui et envers moi-même. Je ne supportais tellement plus qu’il me fasse du mal que j’
ai fini par m’en faire moi-même physiquement, afin de reprendre le contrôle. Mais ces traces (parmi d’autres moins visibles) me rappellent que plus jamais, plus jamais, je ne voudrai de ça dans ma vie.

« SOIT TU M’ÉPOUSES, SOIT C’EST LA GUERRE. »

Ce fut le message de trop, il y a une semaine…, suivi de son intrusion chez moi.

J’étais tellement perdue, encore, que je lui ai ouvert en plein milieu de la nuit… pour lui, toujours, car je ne savais pas quoi faire d’autre, perdue entre mes doutes, ses sentiments, les messages qu’il m’envoyait en simultané et ma solitude face à ce trop-plein en moi ; j’ai ouvert une fois de plus.

« JE RÊVE DE TOI, QUAND JE NE DORS PAS JE PENSE À TOI. J’AI BESOIN DE TE VOIR. »

J’ai ouvert la porte, j’ai répondu à tous ses messages, j’ai évité des lieux, évité de parler à certaines personnes pour ne pas avoir à en subir les conséquences.

Les vampires énergétiques n’existent pas que dans les légendes, ils ne peuvent entrer chez toi que si tu les y invites. Cet homme que je considérais comme l’homme de ma vie est aujourd’hui mon vampire, je lui ai donné la permission d’entrer dans ma sphère mais aujourd’hui j’ai fermé la porte. À jamais. Je n’ouvrirai plus, ne répondrai plus et ne me priverai plus. Je n’agirai plus pour lui mais bien pour moi.

« ÉVITE LES LIEUX PUBLICS OÙ JE SUIS. PAS DES MENACES, MAIS DES PROMESSES. »

Je me sens si petite face à tous ces textes VS, mais le suis-je vraiment ou est-ce ce sentiment qu’il a ancré en moi (encore plus profond) depuis presque deux ans ? Ce sentiment de ne pas être assez bien, d’exagérer mes émotions ou les faits, que mon avis ou mes émotions ne valaient pas le coup… La peur et le doute sont aujourd’hui ancrés en moi, la peur de n’être rien… surtout… Mais son emprise à lui disparaît.

« JE VAIS CHANGER, JE T’AIME. JE NE VAIS PAS M’EN REMETTRE. »

 

M.

 

Cinq ans après :  http://assopolyvalence.org/reprise/

 

emprise3

Illustration par Emilie Pinsan