“Le conseil regional du lieu où le jeune se déclarant mineur isolé étranger a été repéré ou s’est présenté, l’accueille pendant les 5 jours de l’accueil provisoire d’urgence.”
“Le jeune doit être pris en charge tant que sa minorité n’a pas été remise en cause et sa majorité avérée.”
Depuis des mois, des semaines, les jeunes – souvent très jeunes – sont invités par le DEMIE (dispositif d’évaluation des mineurs isolés étrangers) à quitter le bureau immédiatement, pour rester dans la rue “faute de place dans les hôtels”, voire à se re-présenter de jour en jour, passant leur journée à attendre, avec l’espoir d’un hôtel, continuant de nuit en nuit à dormir dans la rue, avec tous les risques que cela comporte.
Ce qui devrait être une mise à l’abri immédiate se résume à un bout de papier de convocation pour rdv d’évaluation trois semaines plus tard, laissés sans solution dans l’intervalle.
Il parait que la solution c’est de les déposer au comissariat qui a pour obligation de leur trouver un foyer.
On a essayé, bien que réticents, mais pas d’autre alternative et comme c’est ce qu’il faut faire…
Cela aussi est très aléatoire, dépend du commissariat, l’un a dit ” on a autre chose a faire que de s’occuper d’enfants ” les laissant pourtant attendre trois heures sur un banc… pour rien.
Lorsqu’ils arrivent enfin à obtenir leur droit à une “mise à l’abri”, ils se retrouvent livrés à eux mêmes dans des hôtels insalubres où punaises, puces de lit et gale ont élu domicile, sans aucune visite ou suivi, quid de la bienveillance…
Cinq euros de ticket-repas pour se restaurer et devant s’estimer heureux d’avoir un hôtel, peu importe les conditions, avec interdiction de quitter les lieux au risque de se voir rejeter du “dispositif “.
Viendra l’heure de l’entretien d’évaluation du récit (avec des traducteurs aléatoires et approximatifs), puis celle du jugement (irrationnel et subjectif) et du verdict :
S. 14 ans : refusé.
N. 15 ans : refusé.
Viennent ainsi rejoindre la longue liste des 80% de refusés, renvoyés en toute impunité à la rue avec les mêmes motifs copiés-collés de la lettre type :
“Votre réçit est lacunaire et imprécis”
Laisser des jeunes de 13, 14, 15, 16 ans seuls dans des hôtels insalubres avec des portes qui ne ferment pas toujours, c’est les exposer délibérément à la violence et à tous les risques.
Ce que le DEMIE essaie donc de leur faire vivre comme une chance peut donc être loin d’en être une et forcément dans ce jeu dangereux, il y a des histoires inacceptables. Celle de H. 14 ans en est une parmi d’autres :
H. se serait contenté des punaises de lit…
Il raconte :
“J’ai demandé au vigile si je pouvais récupérer mon sac mais il m’a dit qu’il devait me prendre en photos… J’ai alors refusé. Je me trouvais au troisième étage de l’hôtel et je suis ensuite parti, au moment ou j’ai tourné le dos au vigile il m’a donné un coup. J’ai alors vu que le vigile avait une barre de fer et il m’a donné des coups avec. J’ai reçu des coups sur les côtes droites et gauches et dans le dos, je suis ensuite parti sans mon sac.”
H. est convoqué pour sa décision demain… Comme les autres, il a fui la guerre et n’a plus de parents.
Viendra-t-il rejoindre la longue liste des refusés ou aura -t-il enfin le droit à une assistance d’aide à l’enfance digne de ce nom ?
Récit, témoignages et photos collectés avec l’aide de nombreux citoyens concernés qui assurent la protection de l’enfance face aux graves manquements des institutions.
Agathe

Photo : Au centre de la photo, en immense, un jeune homme dont on ne voit que le torse, de profil, soulève on T-shirt pour faire apparaître l’énorme bleu qui marque son flanc.