Paris, fin juillet 2016 :
Gadisa me confiait que si Paris le reconnaissait mineur et lui apportait de la protection, il resterait, il apprendrait le français et il ferait tout pour réussir.

Hélas, cela n’a pas été le cas : il a rejoint la longue liste des refusés après quelques nuits d’hôtel pourries et un entretien d’évaluation vite fait, mal fait.

Le 6 août : il revendiquait ses droits avec ses copains dans cette énième nasse abusive… j’avais finalement réussi à négocier pour en faire sortir les mineurs après 3 heures d’interdiction de bouger par 30 degrés sans même la possibilité de boire de l’eau.
Son message était clair : “Kill me or save me”

Il ne comprenait pas la violence des rafles quotidiennes et m’avait dit : ” en Éthiopie c’est comme ça, la police, je ne pensais pas que cela puisse être pareil en France.”

Le 8 août, aux abords du demie il partage son témoignage pour Itele, il dit : “en France personne ne taide, le
gouvernement t’arrête” et j’espère idiotement que cela amènera vers une prise de conscience.

Quelques jours plus tard, la répression policière et la décision de non protection et de non-accueil lui ont fait reprendre la route… il m’avait dit ” l’Angleterre c’est sure que c’est mieux, ça ne peut-être que mieux…”

Mi-octobre : je le retrouve dans la Jungle de Calais, 15 jours avant sa destruction, il est encore plus combattif, mais pas moins révolté, il me montre où il “habite” avec ses mêmes copains et m’explique comment il tente de passer chaque nuit. Sur un mur, il me montre son dessin : un bel oiseau plein de couleurs et il ajoute: “les oiseaux sont libres d’aller où ils veulent.”

Il ne veut pas vivre le démantèlement, il craint de revivre de terribles violences.
Il préfère partir avant. Les Pays-Bas lui semblent être une bonne option.

Quelques jours plus tard, il reprendra la route avec la même force et le même espoir de mieux mais aussi avec quelques illusions en moins. Mais le mieux existe t il en Europe ?

Il a eu 17 ans le 5 janvier, sa minorité n’est pas contestée aux Pays-Bas mais sa demande d’asile est déboutée, c’est son histoire qu’on ne croit pas. Le système est différent mais a priori pas moins pourri : les Pays-Bas semblent mal informés sur le massacre du peuple Oromo et même après recours, il n’a pas l’asile.

Il a été mis dans un centre pour refusés, une ancienne prison à Maastricht où il peut rester jusqu’à ses 18 ans. Plus de tente, plus de police qui le réveille chaque matin dans la rue, plus de Jungle… mais toujours pas d’avenir.

Il va rester un peu, abîmé par la longue route qui ne s’arrête jamais,  il a besoin de se faire opérer, et verra après s’il retrouve la force pour repartir en quête d’une terre d’asile, ne pas risquer le renvoi à 18 ans au cœur du massacre Oromo, à la case départ après avoir parcouru des milliers de kilomètres pour sauver sa vie.

Il dit qu’en me parlant par Facebook il a l’impression d’avoir une famille, alors je lui parle chaque jour.
Il me confie ses coups de cafards et je lui renvoie ses nombreux “never give up”, je réitère mes “I hope it will be ok for you, I’m sure it will be ok for you.”

Je le revois à Paris cet été dans l’enfer de la violence des rafles quotidiennes et à Calais me sautant au cou en me retrouvant, plein d’espoir. Ce gamin, c’est toute la force du peuple Oromo à lui seul.

4 février 2017 : Gadisa manifeste aux côtés d’Amnesty Internationale à Amsterdam avec les mêmes copains et le même message qu’à Paris sur les banderoles pour demander la protection des mineurs: “save the children “, “let a child be a child”.

J’espère que l’Europe comprendra sa chance d’avoir un tel gamin chez elle et l’accueillera enfin dignement (normalement !).

Ni menteur ni majeur, l’histoire de Gadisa est celle de milliers de gamins.

Il souhaitait la partager avec vous et m’a demandé d’écrire ce témoignage quand nous avons échangé ce soir nos photos de sa protestation Paris – Calais –  Amsterdam et il m’a écrit: ” 😥😥😥😥 when I saw that I was got cry.”

Never give up Gadisa, never 👊🏻.

http://www.itele.fr/france/video/en-france-toujours-plus-de-migrants-mineurs-isoles-169761

Agathe Nadimi
4 février 2017

Photo couleur : Gadisa, jeune homme Éthiopien en T-shirt blanc fait face à la caméra en regardant de biais. Il tend la main gauche, paume vers l'avant : il y est écrit, au feutre : KILL ME OR SAVE ME.

Photo couleur : Gadisa, jeune homme Éthiopien en T-shirt blanc fait face à la caméra en regardant de biais. Il tend la main gauche, paume vers l’avant : il y est écrit, au feutre : KILL ME OR SAVE ME.

Illustration par Laurence