Il y a des années, quatre ou cinq, je ne sais plus vraiment mais c’est avec une extrême précision que je me souviens de cette semaine infernale. Ça a commencé par quelques démangeaisons, sans plus : je pouvais dormir, manger, bouger et même aller bosser l’air de rien. Et puis au bout de quelques jours, c’était devenu l’enfer, ça me réveillait en pleine nuit, je me grattais (évidemment, le lendemain c’était pire et ainsi de suite). Je regarde sur internet et cherche désespérément une réponse : pourquoi j’ai la chatte en feu ? Je me retrouve alors avec, au choix : un cancer, une dizaine de MST différentes ou une mycose. Bon, j’ai pas toujours été safe dans mes rapports, la piste de la MST, pourquoi pas. Le cancer, on se calme ! Et la mycose, ce mal qui touche beaucoup de femmes et dont j’avais vaguement entendu le nom dans ma jeunesse (oui, j’avais 18-19 ans à l’époque, et avant cette histoire on ne m’en avait pas franchement parlé) me semblait aussi plausible. Bon mycose ou MST ? Il faut que je me décide à aller voir une gynéco. Une gynéco sympa, souriante, aimable, rassurante ET conventionnée  si possible. J’en demande beaucoup, je sais.

Non parce que là, j’en peux plus. Ça fait une semaine que ça me démange, que j’ai du mal à marcher, que je ne dors plus et adieu les rapports sexuels. Et puis, si c’est une MST, il ne faut pas que je laisse traîner. De toute façon, il faut que j’aille faire un frottis depuis des mois. Moi et les médecins on n’a jamais été ami.e.s, j’y vais qu’en cas d’extrême urgence, alors la prévention, elle me passe un peu au dessus, voyez (oui, c’est mal mais bon). Mais là, c’est infernal, et puis les Internets me font peur quand même. Alors je prends mon téléphone, ma plus belle voix et j’attends des heures que le standard du centre de santé à côté de chez moi me réponde. J’y connais une gynéco qui a bonne réputation. Une voix sèche me répond qu’il y a un mois d’attente.  – UN MOIS ? Je vais rester UN MOIS sans dormir, sans faire l’amour, sans marcher correctement ? – Non, non Madame, ce n’est pas possible elle n’a aucune disponibilité mais M. Machintruc est là demain, il peut vous prendre en urgence. – Très bien, à demain alors. 

Je dors un peu mieux, en pensant que je vais enfin être libérée. J’ai rendez-vous tôt. Je cherche des vêtements pratiques à enlever, je déteste mettre trois heures à me déshabiller devant un.e gynéco. Une robe, des collants et hop, une fois dans son cabinet je n’aurai qu’à enlever mes collants, même pas besoin d’être à moitié nue.
J’arrive, j’entre dans son cabinet. Il me dit à peine bonjour. C’est un homme, je n’ai jamais eu de gynéco masculin, je pensais que ça m’était égal mais en fait non, je n’ai pas envie qu’il regarde ma chatte. Et puis, il n’a pas une bonne tête en plus d’être très désagréable. – Qu’est ce qui vous amène ? – J’ai des démangeaisons, ça me brûle les lèvres et l’intérieur, je n’en peux plus.
S’en suit l’éternel questionnaire : – Vous mettez des préservatifs ? Votre dernier rendez-vous ? Etc.

Il me dit : Très bien, déshabillez-vous. J’ai l’impression d’être sa soumise, autant c’est mon truc au lit, autant là ça m’exaspère mais je ne dis rien, je m’exécute. J’ai mal et je veux qu’on me soigne. – Asseyez-vous là, écartez les jambes.

Voilà, j’y suis presque, je vais enfin savoir ce que j’ai et trouver un remède miracle. C’était sans compter le spéculum enfoncé dans ma chatte à sec. Pas de vaseline, rien. Mais je lui ai précisé que j’avais le sexe en feu pourtant. Et puis ça se voit, j’ai les lèvres qui ont triplé de volume et qui sont anormalement rouges. Je ne dis rien, j’encaisse. Mais là vraiment, j’ai mal. Déjà que toute seule, je n’arrivais plus à me toucher. Rien qu’un doigt, même mouillé, c’était presque de la torture. Le spéculum sec qui te rentre dedans et qui en plus t’écarte la chatte. Merci, c’est très agréable.

Le monsieur finit de me torturer et me dit – C’est un mycose. J’ai fait un frottis pour les MST, on verra. Tenez, des ovules le soir et une crème pendant deux semaines. Pas de rapport bien sûr. Mais dites-moi, vous vous lavez avec un savon spécial intime ?  – Bah non, avec mon savon gras pour le corps. – Mais vous êtes ignorante ? Pas étonnant d’avoir des mycoses, allez tout de suite acheter un savon intime.  – Merci, au revoir (je suis toujours polie…).

Voilà, j’ai une ordonnance (je sais même pas comment foutre ses ovules moi, d’ailleurs ils sont gros, trop gros, je trouve), encore plus mal qu’avant, et une haine immense pour ce M. Machintruc qui se transforme de plus en plus en phobie médicale. 

Avant, je n’aimais pas les dentistes, les généralistes et j’avais une peur bleue de l’hôpital. Maintenant, j’ai peur aussi des gynécos.

Maintenant, je sais ce qu’est une mycose, avec l’âge j’ai appris à m’en prévenir. Je ne me lave toujours pas avec du savon intime à dix euros. Je n’ai plus de mycose depuis trois ans, zéro, nada. Et ce n’est pas grâce aux médecins que j’ai rencontré.e.s (je vous ai déjà dit, je n’y vais jamais) mais avec l’aide des copines virtuelles ou réelles avec qui j’ai partagé autour de ce genre de problème.

Dj.

Dessin : deux speculums en miroir, reliés par la cheville, sur fond rose. Entre les deux parties du speculum, de chaque côté, un coeur rose.

Illustration par Funky freaky cookie